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Khashoggi: RSF porte plainte en Allemagne pour crimes contre l'humanité

KHASHOGGI: RSF PORTE PLAINTE EN ALLEMAGNE POUR CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ

par John Irish et Raya Jalabi

PARIS (Reuters) - L'organisation Reporters sans Frontières (RSF) a annoncé mardi le dépôt d'une plainte en Allemagne pour crimes contre l'humanité contre le prince héritier saoudien Mohamed ben Salmane et d'autres responsables du royaume pour l'assassinat de Jamal Khashoggi et la persécution d'autres journalistes.

"Le 1er mars, RSF a déposé plainte auprès du procureur général de la Cour fédérale de justice de Karlsruhe (Allemagne) pour une série de crimes contre l'humanité commis contre des journalistes en Arabie saoudite", a déclaré RSF dans un communiqué.

"Le document de plus de 500 pages, rédigé en allemand, porte sur les cas de 35 journalistes : l'éditorialiste saoudien assassiné Jamal Khashoggi et 34 journalistes emprisonnés dans le royaume. Trente-trois d'entre eux sont toujours en détention, dont le blogueur Raif Badawi", ajoute l'organisation.

Selon RSF, ces journalistes ont été victimes d'actes de torture, de violences sexuelles, de disparitions forcées, de persécution et de meurtre.

"Les responsables de la persécution des journalistes en Arabie saoudite, et notamment de l'assassinat de Jamal Khashoggi, doivent répondre de leurs crimes", a estimé le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, cité dans le communiqué.

"Nous appelons le procureur allemand à prendre une position forte et à ouvrir une enquête sur les crimes que nous avons révélés", a ajouté Christophe Deloire.

Le parquet de Karlsruhe a confirmé le dépôt de cette plainte, qu'il a dit examiner.

COMPÉTENCE UNIVERSELLE

RSF explique avoir déposé sa plainte en Allemagne en vertu du principe de compétence universelle qui permet aux tribunaux du pays d'engager des poursuites pour des crimes contre l'humanité commis dans des pays tiers.

"On peut ajouter qu'il y a eu de la part des autorités allemandes, l'exécutif comme le Parlement, un langage extrêmement fort sur l'affaire Khashoggi et sur la liberté de la presse y compris en Arabie Saoudite", a déclaré à Reuters le juriste Antoine Bernard, qui suit le dossier pour RSF.

Le dépôt de cette plainte intervient quelques jours après la publication par la Maison blanche d'un rapport de la CIA dans lequel l'agence de renseignements américaine estime que Mohamed ben Salmane a approuvé l'opération visant à capturer ou tuer le journaliste Jamal Khashoggi, assassiné le 2 octobre 2018 dans les locaux du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul.

Le gouvernement saoudien n'a pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire. Le royaume avait rejeté vendredi le rapport américain, qu'il avait jugé "erroné et inacceptable".

Agé de 35 ans, Mohamed ben Salmane, dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, a nié toute implication dans l'assassinat de Khashoggi, pour lequel huit personnes ont été condamnées l'an dernier par la justice saoudienne.

Quatre autres personnes sont visées par la plainte de RSF : Saoud al Qahtani, Ahmed Mohamed al Assiri, Maher Aboulaziz Moutreb et Mohammad al Otaïbi.

Qahtani, considéré comme le bras droit de Mohamed ben Salmane, a été limogé de son poste de conseiller à la cour. Il a été interrogé par la justice saoudienne mais n'a jamais été inculpé.

Assiri, ancien numéro deux des services de renseignement, a été limogé par le roi Salman après la mort de Khashoggi. Il a été relaxé faute de preuve en décembre 2019 lors du procès en Arabie saoudite.

Le général Moutreb était un collaborateur de Qathani. Selon un rapport des Nations unies, il a été impliqué dans la préparation de l'opération à Istanbul. Otaïbi était le consul général d'Arabie saoudite à Istanbul au moment de l'assassinat du journaliste.

La plainte de RSF vise aussi toute personne que l'enquête identifierait au-delà des cinq mentionnés.

(version française Jean-Stéphane Brosse)