Khashoggi: Double camouflet pour Trump au Sénat américain

Le Sénat américain a infligé jeudi un double camouflet à Donald Trump en reconnaissant le prince héritier d'Arabie saoudite comme responsable de l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi et votant une résolution demandant un arrêt de l'aide militaire au pouvoir saoudien. /Photo prise le 30 novembre 2018/REUTERS/Sergio Moraes

par Patricia Zengerle

WASHINGTON (Reuters) - Le Sénat américain a infligé jeudi un double camouflet à Donald Trump en reconnaissant le prince héritier d'Arabie saoudite comme responsable de l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi et votant une résolution demandant un arrêt de l'aide militaire au pouvoir saoudien.

Ces deux votes du Sénat restent largement symboliques car pour entrer en vigueur, ils devraient obtenir une majorité à la Chambre des représentants, toujours dominée par les républicains jusqu'à l'installation du nouveau Congrès en janvier.

Ils constituent malgré tout une condamnation claire de la position adoptée par Donald Trump à l'égard de l'Arabie saoudite, pays qu'il considère comme un allié indispensable pour contenir l'influence de l'Iran au Moyen-Orient et pour réguler les cours mondiaux du pétrole.

Par 56 voix contre 41, les sénateurs américains se sont prononcés en faveur d'un arrêt de l'aide militaire américaine au pouvoir saoudien dans la guerre qu'il mène contre les milices chiites houthies, alignées sur l'Iran, au Yémen.

C'est la première fois qu'une des deux chambres du Congrès demande l'arrêt d'une intervention militaire à l'étranger en vertu du War Powers Act. Adoptée en 1973 pendant la guerre du Vietnam, cette loi limite les pouvoirs du président concernant les interventions militaires à l'étranger lorsqu'il n'a pas l'aval du Congrès.

Sept sénateurs républicains ont joint leurs voix aux élus démocrates pour approuver cette proposition de loi à laquelle Donald Trump a dit qu'il opposerait son veto présidentiel.

Les sénateurs se sont ensuite prononcés à l'unanimité pour dénoncer le prince héritier Mohammed ben Salman comme le commanditaire de l'assassinat du journaliste et opposant Jamal Khashoggi, tué et démembré dans les locaux du consulat saoudien d'Istanbul le 2 octobre.

Le président américain a refusé pour l'instant de condamner le régime saoudien, faisant valoir l'importance des liens stratégiques et économiques qui lient l'Arabie saoudite et les Etats-Unis. Les autorités saoudiennes ont promis l'achat d'armements américains pour plus de cent milliards de dollars.

En s'appuyant sur des documents, la CIA a acquis la conviction avec un "haut degré de certitude" que Mohammed ben Salman est le commanditaire de l'assassinat de Jamal Khashoggi dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul début octobre.

La justice saoudienne affirme que le prince héritier ne porte aucune responsabilité dans cette affaire et qu'il n'était pas au courant de ce meurtre qui est, selon elle, l'oeuvre d'un groupe d'éléments incontrôlés.

Malgré les éléments fournis par les services du renseignement américains, Donald Trump refuse mettre en cause le prince héritier qui est le dirigeant de fait de l'Arabie saoudite.

(Patricia Zengerle, Jean-Philippe Lefief pour le service français)