Karim Bouamrane, Raphaël Glucksmann, Carole Delga… À gauche, les 50 nuances de l’anti-Mélenchon

Karim Bouamrane, maire PS de Saint-Ouen, lors des « Rencontre de la Gauche"organisées à Bram par Carole Delga le 28 septembre 2024.
IDRISS BIGOU-GILLES / AFP Karim Bouamrane, maire PS de Saint-Ouen, lors des « Rencontre de la Gauche"organisées à Bram par Carole Delga le 28 septembre 2024.

POLITIQUE - « Le problème, ce n’est pas eux, c’est le reste de la gauche : qui est-elle ? » « Eux », c’est-à-dire Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise, s’inscrivent en opposition à l’homme qui prononce ces mots, Raphaël Glucksmann, interrogé par Sud Ouest à quelques jours de la rentrée de son mouvement Place publique à La Réole en Gironde. Et dans « le reste de la gauche », il faut désormais aussi comprendre un mouvement lancé ce jeudi 3 octobre, La France Humaine et Forte, par Karim Bouamrane, le maire de plus en plus médiatique de Saint-Ouen. Le dernier îlot d’un archipel de plus en plus peuplé à gauche : l’anti-mélenchonisme.

Au célèbre Stade Bauer, dans sa ville, le maire socialiste veut brasser large. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a confirmé sa présence, tout comme l’ancien président de la République François Hollande, l’un de ses Premiers ministres Bernard Cazeneuve, la présidente de la région Occitanie Carole Delga et l’eurodéputé Raphaël Glucksmann.

Ce sera la deuxième fois en moins d’une semaine que tout ce petit monde se retrouvera sur la même scène. La première, c’était les 28 et 29 septembre à Bram dans l’Aude pour la rentrée politique de Carole Delga (moins Olivier Faure, qui avait boudé l’événement). La deuxième est donc ce jeudi sur invitation de Karim Bouamrane. Et un troisième rendez-vous est déjà prévu samedi 5 et dimanche 6 octobre à la Réole, autour de Raphaël Glucksmann ce coup-ci.

Ne pas « répondre systématiquement à l’agenda » de Mélenchon

Peu importe l’organisateur, l’objectif de ces trois rencontres est identique : « Refonder une gauche enthousiaste, profondément socialiste, humaniste, écologiste et pro-européenne », vante la vidéo promotionnelle de Place publique. Sur France 24 le 1er octobre, Karim Bouamrane parle, lui, de créer « un vrai pôle de gauche, qui soit dans le réel, dans le compromis ». Et le maire socialiste d’ajouter : « Pas dans la rupture, pas dans la discorde et qui ne répond pas systématiquement à l’agenda de Jean-Luc Mélenchon ». L’essentiel est dit.

Qu’il s’agisse d’Anne Hidalgo, de Carole Delga, du maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, de Raphaël Glucksmann, François Hollande ou Bernard Cazeneuve, tous ont comme principal point commun leur opposition à la stratégie de la France insoumise.

Car au sein de la gauche, la cacophonie entourant la nomination du Premier ministre après les législatives anticipées a ravivé les divergences, de fond et de forme. « Le 7 juillet à 20 h 01, il aurait fallu tendre la main et mettre sur la table nos priorités pour gouverner (...) Mais à 20 h 02, Jean-Luc Mélenchon, en déclarant que le NFP n’appliquerait que son programme, a fait l’exact opposé » fustige Raphaël Glucksmann dans Sud Ouest.

Karim Bouamrane et Carole Delga sont sur la même ligne. À l’unisson, ils déplorent que la direction du Parti socialiste soit « soumise » à La France insoumise. « Les appareils politiques ont emboîté le pas (à Jean-Luc Mélenchon) de peur d’être accusé de trahison par l’appareil mélenchoniste », pointe aussi Raphaël Glucksmann. Carole Delga ne se remet notamment pas du choix du PS de ne pas apporter un soutien clair à Bernard Cazeneuve quand son nom était cité pour Matignon : « La décision de la direction du parti a offert un alibi à Emmanuel Macron, c’est une faute ». De fait, « la gauche a aussi sa part de responsabilité » dans la nomination de Michel Barnier, juge-t-elle dans Le Point le 26 septembre.

À gauche, l’espace sera-t-il assez grand ?

Résumons. À gauche, à côté des quatre partis traditionnels réunis au sein du Nouveau Front populaire, on trouve désormais au moins quatre mouvements déclarés : Place publique (lancé en 2018), La Convention de Bernard Cazeneuve (2022), La France humaine et forte et L’Après, fondé par les « purgés » de La France insoumise que sont Clémentine Autain, Alexis Corbière, Raquel Garrido et Danielle Simonnet. Sans oublier, au sein même du PS, les courants incarnés par le tandem Carole Delga - Nicolas Mayer-Rossignol et par Hélène Geoffroy, qui sont tous deux opposés à la ligne d’Olivier Faure et bien déterminés à l’emporter au prochain Congrès des rose.

Cela fait beaucoup de monde pour une orientation politique qui n’a pas réussi à obtenir la majorité des voix aux législatives, bien qu’elle soit arrivée en tête. Sur France 24, Karim Bouamrane préfère voir dans la multiplicité des sensibilités une force : « On part du principe que la dynamique à gauche doit se jouer à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur des partis. (...) On nous demande si ça divise ? Ça renforce. » De Bernard Cazeneuve dans Le Monde ce jeudi 3 octobre à Raphaël Glucksmann, tous sont ainsi persuadés qu’il existe un « espace pour une gauche sociale, démocrate, écologique, humaniste et proeuropéenne », comme le martèle l’eurodéputé dans Sud Ouest.

Mais parviendront-ils à concrétiser ? Au-delà de l’opposition à Jean-Luc Mélenchon, tous ces électrons libres devront surtout trouver un socle commun pour s’unir - l’objectif affiché par tous - d’ici 2027. Ainsi, si Bernard Cazeneuve se réjouit d’avoir senti à Bram « une envie et une énergie » de « rassemblement », il met aussi en garde concernant l’« écueil » que représente « la constitution d’autant de chapelles qu’il y a de personnes », quand bien même toutes porteraient des ambitions « légitimes ». Et il alerte en parallèle sur l’enjeu du timing : « Si on laisse passer 2025 sans faire ce rassemblement, il sera trop tard. »

Échaudé par la dissolution surprise, Raphaël Glucksmann partage le même constat d’urgence : « Emmanuel Macron ne peut pas faire de nouvelle dissolution avant juin-juillet 2025 », mais si cela se produit, « nous n’aurons pas le droit d’être pris de court. » « C’est ce travail qu’on va lancer avec Place publique », anticipe-t-il. À Bram, plusieurs participants ont évoqué l’idée d’une « confédération » permettant de rassembler différentes forces à même de prendre part à une « gauche de gouvernement ». Interrogé par l’AFP sur les contours qu’elle pourrait, Raphaël Glucksmann a renvoyé à sa rentrée à La Réole. Le défi est grand, à hauteur de 22 % au moins.

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