Karachi: d'où viennent les 7 millions de la campagne de Balladur?

L'ancien trésorier de la campagne d'Edouard Balladur en 1995 a reconnu qu'il était incapable d'indiquer la provenance de 7 millions de francs versé sur le compte de campagne du candidat. L'EXPRESS.fr fait le point sur cette affaire. =Qu'est-ce-que l'affaire Karachi?= Le 8 mai 2002, un kamikaze fait exploser sa voiture contre un bus devant l'hôtel Sheraton de Karachi et tue 14 personnes dont 11 employés français de la Direction des constructions navales (DCN). La justice suppose que cet attentat est une réponse à l'arrêt des versements de rétrocommissions, décidés dans le cadre de la vente de sous-marins français au Pakistan. Par ailleurs, une partie de ces rétrocommissions aurait servi à financer la campagne d'Edouard Balladur en 1995. =Pourquoi l'affaire Karachi revient-elle dans l'actualité?= L'affaire Karachi a connu de nouveaux rebondissements. Le juge Renaud Van Ryumbeke a auditionné René Galy-Dejean, à l'époque trésorier de la campagne présidentielle de Balladur. Celui-ci s'est dit incapable de justifier le versement de 7 millions de francs sur le compte de campagne du candidat trois jours après la défaite au premier tour. =Pourquoi le nom de Gérard Longuet refait surface?= En février dernier, le juge Renaud Van Ruymbeke a obtenu le versement au dossier de la procédure du "Fondo". Il s'agit là d'un versement de 5 millions de francs pour l'achat du siège du Parti Républicain (PR) dont Gérard Longuet était le président jusqu'en 1995. Selon Le Monde, le juge Van Ruymbeke fait un lien entre le versement de 7 millions de francs sur le compte de campagne et l'affaire du "Fondo". Le PR aurait bénéficié d'une partie de cette somme pour acquérir son siège. Une forme de remerciement pour le soutien de cette formation au candidat Balladur. Olivier Morice, l'avocat des parties civiles dans l'attentat de Karachi a annoncé qu'il allait demander l'audition du nouveau ministre de la Défense, Gérard Longuet. =Et le nom de François Fillon?= Le nom du Premier ministre apparaît pour la première fois dans le dossier. Son nom est mentionné dans un procès verbal policier dressé le 24 janvier dernier et révélé par Mediapart. Jacques-Philippe Marson, ancien cadre dirigeant de la banque BNP-Paribas, croit savoir que François Fillon a joué un rôle dans le traitement des commissions liées à la vente des sous-marins. Il aurait désigné Alain, ancien n°2 des services secrets français pour négocier avec Jean-Marie Boivin. Cet homme a dirigé la société off-shore Heine, chargée de faire transiter l'argent des commissions. =Qui sont les autres acteurs du dossier?= Il y a d'abord François Léotard et son entourage. Ministre de la Défense de 1993 à 1995, dans le gouvernement Balladur, il a piloté la vente de sous-marins au Pakistan. A l'origine, le contrat Agosta devait se conclure entre le régime pakistanais et la Sofma, intermédiaire chargé de convaincre le Pakistan d'acheter des sous-marins français. En contrepartie, la Sofma percevait 6,5% du montant total de la commande. Les noms de Ziad Takieddine et Abdulrahman el-Assir apparaissent également à de nombreuses reprises. En juillet 1994, soit deux mois avant la signature du contrat, ces deux nouveaux intermédiaires sont imposés à la Direction des chantiers navals (DCN). Des éléments dans l'enquête montrent que c'est Renaud Donedieu de Vabres, à cette époque chargé de mission au ministère de la Défense, qui aurait imposé les deux hommes d'affaires d'origine libanaise dans les négociations en échange de 4% de la commande. Proche des balladuriens, Ziad Takieddine et Abdulrahman el-Assir auraient ensuite facilité le retour d'une partie des commissions en France. Lors de son audition par le juge Van Ruymbeke, Charles Millon, ministre de la Défense de 1995 à 1997, a fait part de son "intime conviction" de l'existence de rétrocommissions. Même s'il n'existe pour le moment aucune preuve, on soupçonne que le versement de ces rétrocommissions ait servi à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur. En 1996, Jacques Chirac, fraîchement élu à l'Elysée, se doute de l'existence de rétrocommissions et ordonne l'arrêt des commissions aux Pakistanais. L'attentat de Karachi serait alors une conséquence de l'arrêt du versement des commissions.