Kamala Harris: une ex-procureure au profil idéal pour affronter un Donald Trump condamné au pénal?
Une femme, ex-procureure et métisse va-t-elle accéder à la Maison Blanche en novembre prochain? L'actuel président des États-Unis Joe Biden a annoncé dimanche 21 juillet au soir renoncer à sa candidature pour sa propre succession, et sa vice-présidence Kamala Harris fait désormais figure de favorite pour le remplacer, à moins de quatre mois du scrutin. Si elle est bien choisie par son camp, elle affrontera Donald Trump dans les urnes.
Des origines jamaïcaine et indienne
Née à Oakland, en Californie, en 1964, Kamala Harris, est issue d'une famille métissée, son père étant jamaïcain et sa mère indienne. Elle grandit dans un milieu intellectuel, mais loin de la politique, avec sa soeur Maya, entre un père professeur d'économie et une mère chercheuse spécialiste du cancer du sein.
Elle vit un temps à Montréal pendant son enfance, après le divorce de ses parents et alors que sa mère vient d'obtenir un poste à l’Hôpital général juif de Montréal et comme enseignante à l'université McGill, au Canada. Elle y fréquente peu de temps une école francophone, Notre-Dame-des-Neiges, qu'elle évoque dans son autobiographie The Truths We Hold: An American Journey, sorti en 2019.
En 1986, elle sort diplômée de l'université Howard, à Washington, un établissement qui avait été fondé pour accueillir les étudiants afro-américains pendant la ségrégation.
Une procureure parfois critiquée pour sa sévérité
Elle étudie ensuite le droit à San Francisco et devient procureure. Un choix qui surprend ses parents qui sont, eux, issus du milieu activiste, et avec lesquelles elle a régulièrement manifesté enfant, selon Associated Press.
Elle exerce comme à San Francisco entre 2004 et 2011, avant d'occuper la fonction de procureure générale de Californie entre 2011 et 2017. Elle devient alors la première femme et la première personne noire à diriger les services judiciaires de l'État le plus peuplé du pays. Un profil pas anodin pour affronter Donald Trump, devenu le premier ex-président de l'histoire du pays à avoir été condamné au pénal.
Au cours de ces mandats, elle est parfois critiquée comme étant particulièrement sévère à l'égard des petits délits, ce qui a, selon ses opposants, surtout affecté les minorités.
Sur le plan privé, elle épouse en 2014 l'avocat Douglas Emhoff, déjà père de deux enfants d'une précédente compagne.
D'adversaire à vice-présidente de Joe Biden
En 2017, elle quitte le domaine du droit pour la politique en étant élue sénatrice. Elle est la première femme ayant des origines d'Asie du Sud et seulement la deuxième sénatrice noire dans l'histoire.
Elle se révèle aux yeux du grand public en 2019 lors d'un débat pour la primaire démocrate. Elle y tacle Joe Biden sur son opposition passée à une politique de déségrégation raciale qui consistait à transporter en bus certains enfants racisé vers des écoles éloignées pour plus de mixité, et dont elle avait bénéficié. "La petite fille (dans le bus), c'était moi", avait-elle lancé.
Malgré cette sortie remarquée, elle échoue aux primaires, avant d'être choisie par Joe Biden comme colistière. Et c'est ainsi qu'en janvier 2021, avec la victoire du démocrate à la présidentielle, elle devient vice-présidente des États-Unis. Elle est la première femme, la première personne noire et la première d'origine asiatique à accéder à cette fonction.
Pendant ces années de vice-présidence, elle défend notamment avec ferveur le droit à l'avortement aux États-Unis, alors que la Cour suprême le remet en question en juin 2023. En mars dernier, elle a visité une clinique effectuant des interruptions volontaires de grossesse, un déplacement historique car inédit pour une vice-présidente.
La potentielle première femme présidente du pays
À 59 ans, elle est aujourd'hui considérée comme la favorite pour devenir la candidate démocrate à la présidentielle américaine de novembre prochaine, après le soutien annoncé de Joe Biden.
Ellen Koutz, professeure à l'Inseec Paris, rappelle, ce lundi sur BFMTV, que la candidate démocrate Hillary Clinton "a obtenu plus de voix que Donald Trump en 2016", même si elle n'a pas pour finir été élue, la présidentielle américaine ne se jouant pas sur un suffrage direct, mais indirect, rendant ce cas de figure possible.
"On a déjà une preuve que le pays est prêt" à avoir une femme présidente, estime ainsi l'enseignante.
Une cote de popularité encore timide
Pour autant, le défi est loin d'être joué d'avance. Si environ six électeurs démocrates sur dix estimaient le 19 juillet dernier que Kamala Harris ferait une bonne présidente, seulement trois Américains sur dix le pensaient également, selon un sondage du AP-NORC Center for Public Affairs Research. Des chiffres qui pourraient cependant évoluer depuis l'annonce du retrait de Joe Biden.
"Pendant longtemps, elle a été un peu moquée, on s'est demandée si elle avait la carrure pour être présidente", indique à BFMTV l'ancien correspondant aux États-Unis pour l'Agence France-Presse Jérôme Cartillier.
Mais "depuis quelques mois, elle a fait preuve d'un vrai sens politique", estime-t-il. "On l'a vu naviguer avec Joe Biden, (...) il fallait rester respectueuse de Joe Biden tout en le laissant entendre qu'elle était prête à reprendre le flambeau", ce qu'elle est parvenue à faire, souligne-t-il.
"Après la tentative d'assassinat de Donald Trump, (...) elle a su trouver une ligne assez fine en respectant ce moment particulier, mais en même temps (...) en disant: 'si vous voulez vraiment sauver la démocratie, il faudra faire le bon choix le 5 novembre'", ajoute-t-il.
Alors que Donald Trump axait jusqu'à présent sa campagne sur l'état de forme de Joe Biden, âgé de 81 ans, le républicain va devoir rapidement changer de stratégie face une potentielle candidate âgée de 20 ans de moins que lui. "Les cartes ont été rebattues dans l'équation de Donald Trump. Il deviendrait en novembre le plus vieux président jamais élu (s'il l'emportait)", souligne à BFMTV le professeur d'affaires internationales à HEC Paris et spécialiste de la vie politique américaine, Jérémy Ghez. Le passé de procureure de Kamala Harris pourrait également être un élément important de la campagne, face à un Donald Trump aux ennuis judiciaires multiples.