Publicité

Kamala Harris, cible mouvante pour la campagne de Trump

KAMALA HARRIS, CIBLE MOUVANTE POUR LA CAMPAGNE DE TRUMP

par James Oliphant

WASHINGTON (Reuters) - En choisissant la sénatrice Kamala Harris comme colistière pour l'élection présidentielle américaine de novembre, Joe Biden fournit à la campagne de Donald Trump une nouvelle cible. Mais pour le camp républicain, attaquer l'élue californienne implique de s'exposer à de nouveaux risques.

Quelques minutes seulement après l'annonce de son rival démocrate mardi, le président américain a reproché à Kamala Harris d'être "méchante", "horrible" et "irrespectueuse" tandis que son équipe de campagne la présentait comme une extrémiste qui ferait basculer Joe Biden vers la gauche.

Pourtant, peu d'éléments montrent pour l'instant que l'ex-procureure et "attorney general" (ministre de la Justice) de Californie est jugée radicale dans l'opinion publique.

Elle est même plus appréciée que Joe Biden par les électeurs républicains selon une enquête Reuters-Ipsos réalisée les 10 et 11 août, juste avant l'annonce du choix de Biden: 21% des électeurs enregistrés comme républicains interrogés ont dit avoir d'elle une opinion favorable, contre 13% pour l'ex-vice président de Barack Obama.

Plus préoccupant encore pour Donald Trump: des attaques susceptibles d'être perçues comme sexistes ou racistes contre la première femme de couleur à figurer sur le "ticket" de l'un des deux grands partis politiques pourraient nuire à l'image du président sortant auprès des femmes des zones périurbaines, une catégorie de l'électorat décisive qu'il doit absolument reconquérir s'il veut être réélu, selon les stratèges des deux camps.

"S'il veut avoir recours à des clichés misogynes contre Kamala Harris, je pense que ce sera très difficile pour lui", dit Neera Tanden, qui conseillait Hillary Clinton pendant la campagne de 2016. "Il n'a aucune marge d'erreur chez les femmes périurbaines."

Selon le dernier sondage Reuters-Ipsos, Joe Biden dispose d'une avance de 10 points de pourcentage chez les femmes et de six points dans les zones périurbaines. Dans l'ensemble de l'électorat, le démocrate devance le républicain de 11 points à moins de trois mois du scrutin du 3 novembre.

L'image du président sortant a souffert ces derniers mois de la gestion par son administration de la pandémie de coronavirus, de la crise économique et des manifestations contre les violences policières et les inégalités raciales.

DES CRITIQUES AUSSI À LA GAUCHE DU PARTI DÉMOCRATE

Son équipe de campagne, en quête d'arguments pour tenter d'infléchir la courbe des intentions de vote, a donc réagi à l'annonce du choix de Kamala Harris mardi en organisant une conférence de presse par téléphone dans les minutes qui ont suivi, pour lancer une série d'attaques en direction de la candidate à la vice-présidence.

Ces critiques se sont concentrées sur les positions prises pendant sa campagne pour les primaires démocrates, comme son soutien au "Green New Deal", un ambitieux plan de promotion des énergies renouvelables, ou à "Medicare for All", un projet d'assurance maladie que financerait l'Etat fédéral. Deux propositions que Joe Biden n'a pas reprises dans son programme.

Kamala Harris a changé de position sur plusieurs grands dossiers au fil des mois de campagne pour se rapprocher du centre mais l'équipe Trump semble bien décidée à la présenter comme une "gauchiste" en suggérant que la sénatrice, qui aura 56 ans en octobre, pourrait rapidement remplacer Joe Biden, âgé de 77 ans.

Les partisans du candidat républicain devraient aussi mettre en avant les critiques de la communauté afro-américaine visant la sénatrice sur son bilan en matière judiciaire, dans l'espoir de porter atteinte à son image dans la communauté noire, un électorat historiquement fidèle aux démocrates.

En privé toutefois, des conseillers de Donald Trump reconnaissent que Kamala Harris sera une formidable adversaire. Un haut responsable de la Maison blanche a ainsi déclaré que le débat entre elle et le vice-président sortant, Mike Pence, en octobre serait difficile pour ce dernier.

Dans l'immédiat, Kamala Harris et Joe Biden vont devoir s'employer à rassurer l'aile "progressiste" du Parti démocrate, qui espérait voir Biden choisir une femme plus proche de leurs positions, comme la sénatrice Elizabeth Warren.

Pour Rashad Robinson, directeur exécutif de Color of Change, une association de défense des droits civiques qui a coopéré avec Kamala Harris sur les question de réforme de la police, la candidate ne pourra pas échapper à un débat avec les progressistes qui la critiquent.

"Ce sont des questions auxquelles elle doit faire face", dit-il. "Elle doit répondre aux interrogations sur son évolution, discuter des défis qui se présentent à elle, discuter de la manière dont elle a changé."

(version française Marc Angrand)