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La justice embourbée face au cas du député Simian, accusé de harcèlement dans le cadre d'un divorce houleux

Le député de Gironde Benoit Simian à Bordeaux le 11 mai 2017 - GEORGES GOBET © 2019 AFP
Le député de Gironde Benoit Simian à Bordeaux le 11 mai 2017 - GEORGES GOBET © 2019 AFP

Cela fait des mois que son cas pèse sur les travées de l'Assemblée nationale. Il s'agit du député de Gironde Benoît Simian, ex-membre du groupe La République en marche. Depuis l'été, ce parlementaire est poursuivi d'une plainte pour "harcèlement moral" déposée par son épouse, Soraya Simian, avec laquelle il est en instance de divorce. Comme l'a révélé Mediapart, Benoît Simian fait aussi l’objet d’une ordonnance de protection qui lui interdit de l'approcher ou d'entrer chez elle. Lui-même l'accuse en retour de "violences volontaires".

Cette histoire conjugale, racontée ce jeudi par Le Monde avec force détails, percute l'écosystème du Palais-Bourbon. Le 9 décembre, le Bureau de l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité, moins deux abstentions, le maintien de l'immunité parlementaire de Benoît Simian. Lequel ne peut ainsi ni être placé en garde à vue, ni faire l'objet de perquisitions dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Bordeaux.

Le comportement de l'élu mis en cause

Le problème est que, d'après Le Monde, le député - aujourd'hui inscrit au groupe Libertés et Territoires à l'Assemblée - ne faciliterait pas la tâche des gendarmes, soit en n'honorant pas leurs demandes d'audition, soit en prétextant des obligations professionnelles pour les écourter.

Il aurait par ailleurs esquivé pendant plusieurs semaines la notification de l'ordonnance de protection dont il fait l'objet. Selon les dires de Soraya Simian auprès du quotidien du soir, il aurait également enfreint cette interdiction à plusieurs reprises en se rendant à son domicile, parfois dans des conditions rocambolesques.

Qui plus est, il est question dans cette séparation d'une petite fille en bas âge, emmenée par Benoît Simian lorsqu'il a demandé le divorce en avril 2020. Le juge aux affaires familiales a rendu une ordonnance le 13 mai accordant finalement la garde à son épouse, ainsi que la pleine jouissance de leur propriété à Ludon-Médoc, dont l'ancien socialiste a été le maire pendant trois ans.

L'intéressé nie auprès du Monde les comportements erratiques qui lui sont reprochés par son épouse et qui ont mené, en définitive, à l'ordonnance de protection. Tantôt Benoît Simian coupe l'eau, le gaz et Internet, tantôt il arrache la clôture, tantôt il bloque le portail de la maison avec sa voiture... Le tout ayant été saisi par les caméras de vidéosurveillance selon le quotidien.

La requête d'Autain

Mais certains ont été surpris que Benoît Simian préserve son immunité parlementaire. En particulier Clémentine Autain, membre du Bureau de l'Assemblée nationale qui a rejeté la demande de la justice bordelaise. Le lendemain du vote, la députée insoumise de Seine-Saint-Denis a envoyé un courrier au président du Palais-Bourbon, Richard Ferrand, l'exhortant à "reconvoquer dans les plus brefs délais le Bureau" pour procéder "à un débat éclairé de la situation du député".

"Il m'a envoyé une fin de non-recevoir", raconte-t-elle aujourd'hui à BFMTV.com. "L'idée c'était, 'une décision a été prise, point à la ligne, on passe à autre chose'. J'ai découvert l'affaire au Bureau et l'examen de la demande a duré dix minutes. C'est en lisant des articles sur le Net en sortant du Bureau que je prends la mesure du problème."

Une autre membre du Bureau, la députée Annie Chapelier - elle aussi ex-LaREM, désormais chez Agir - estime que cette instance n'a pas à se substituer à une cour de justice. "C'est un non sujet. Le vote a eu lieu dans le cadre d'une procédure privée. M. Simian ne s'est jamais dérobé à ses convocations", assure-t-elle. La députée Les Républicains Annie Genevard, vice-présidente de l'Assemblée nationale, a tenu des propos similaires auprès du Monde, en contradiction avec le récit du quotidien du soir.

"Il faut raison garder"

Clémentine Autain rejette en bloc ce raisonnement. "L'immunité parlementaire n'est pas faite pour ça! Elle est là pour protéger les élus d'attaques politiques provenant de l'appareil d'État. Elle comporte un but démocratique. Précisément, on n'a pas à se transformer en cour de justice, à savoir l'empêcher de faire son travail", estime la députée LFI, très engagée sur les questions féministes.

"Il ne faut pas faire une montagne d'un grain de sable", répond pour sa part Annie Chapelier. "Des procédures de divorce qui se passent mal, je peux vous en citer des dizaines. C'est la première fois que le Bureau a été amené à trancher sur un tel cas. Or Benoît Simian n'a pas été mis en examen, il faut raison garder."

Et l'élue du Gard de préciser auprès de BFMTV.com: "Après, rien n'est éternel. La décision peut très bien être révisée..."

Article original publié sur BFMTV.com