Jusqu'à 15°C au-dessus des normales: comment cette chaleur automnale fragilise les végétaux

L'automne se fait attendre. La France connaît des températures exceptionnellement élevées en ce début de mois d'octobre, largement au-dessus des normales de saison. "Pris à part, cet événement d'octobre ne va pas forcément faire de très gros dégâts sur les végétaux", concède l'agro-climatologue Serge Zaka.

"Néanmoins, les conséquences négatives sur la flore interviennent "lorsqu'on cumule avec l'épisode de septembre et tout ce qui s'est passé les années d'avant", explique-t-il.

"Lorsqu'on a des douceurs hors-saison ou des vagues de gel tardives après la mise en place des feuilles, lorsqu'on a des sécheresses répétées, des canicules... Les végétaux sont désorientés", complète le spécialiste.

"Fatigue végétale"

"Même si certaines plantes, notamment en région méditerranéenne, peuvent être adaptées à ces fortes chaleurs, c'est toujours un stress pour elles", affirmait lors de la vague de chaleur de septembre Thierry Gauquelin, professeur à l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie.

Le cycle de vie de la flore se cale sur le rythme de la nature, à la durée du jour et aux températures. Les plantes se préparent progressivement à l'hiver grâce à des signaux annonciateurs, comme une plus faible luminosité ou la baisse des températures. Quand le mercure est inhabituellement élevé, les cycles se dérèglent.

Lorsqu'elles ne se préparent pas à l'arrivée de l'hiver, elles peuvent faire des fleurs, au lieu de faire des réserves, et donc risquent de produire moins à la prochaine saison.

La chaleur entraîne ce que l'on appelle une "fatigue végétale". "On a une mise en dormance plus tardive et donc un végétal qui va moins se reposer en hiver", détaille Serge Zaka. Une situation qui peut mener jusqu'à la mort car cette fragilité facilite l'arrivée de parasites ou maladies.

Une étude de l'Office national des forêts (ONF) de 2019 chiffrait à 45,1% des forêts du nord-est de la France ayant au moins 10% de végétaux en souffrance. "Ce chiffre, s'il était mis à jour, serait largement plus important aujourd'hui", affirme l'agro-climatologue.

Manque d'eau

Cette chaleur peut, à l'inverse, parfois être bénéfique puisque les plantes font ainsi plus de photosynthèse donc plus de réserves de graines et plus de sucre. Cela explique pourquoi les fruits et légumes d'été font de la résistance sur les étals. Toutefois, cet aspect ne fonctionne "que si on a de l'eau disponible dans les sols", explique Thierry Gauquelin.

Si les végétaux sont déjà en stress hydrique, les fortes chaleurs peuvent leur infliger le coup de grâce. "Si le manque d’eau se combine à la chaleur, les arbres peuvent ainsi être victimes d’embolie: des bulles d'air se forment dans les 'tuyaux' qui conduisent la sève qui n'arrivent plus à irriguer l’arbre, notamment les branches et feuilles les plus hautes... Cela peut aller jusqu'à sa mort", ajoute le chercheur.

Ce mécanisme explique par ailleurs pourquoi certains arbres, notamment dans les villes, ont perdu leurs feuilles dès l'été, dans un processus de protection face à la sécheresse.

Des vagues de chaleur tardives plus fréquentes

À terme, on observe une "évolution de la biogéographie", c'est-à-dire l'aire de répartition des espèces. "La problématique c'est que normalement le climat met plusieurs millénaires à évoluer, là, le changement climatique est beaucoup plus rapide", conclut Serge Zaka.

Dans les forêts françaises, les spécialistes observent une accélération des phénomènes de dépérissement sur les arbres adultes due, entre autres, aux sécheresses. Ils perdent en conséquence leur capacité de rafraîchissement de l'air ambiant et de captation du carbone, pourtant essentiels pour atténuer les effets du dérèglement climatique.

Selon le Giec, ces vagues de chaleur tardives devraient devenir de plus en plus courantes, étirant ainsi la période estivale. Une étude de 2021 montre que la durée moyenne de l'été aurait déjà progressé de dix-sept jours entre 1952 et 2011, empiétant donc sur les trois autres saisons.

Article original publié sur BFMTV.com