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Propos choquants de Julie Graziani : les études permettent-elles vraiment de bien gagner sa vie ?

La chroniqueuse de LCI Julie Graziani a tenu des propos choquants, sous-entendant qu'une mère de famille au Smic ne devrait pas divorcer et qu'elle n'en serait pas là si elle avait "bien travaillé à l'école".
La chroniqueuse de LCI Julie Graziani a tenu des propos choquants, sous-entendant qu'une mère de famille au Smic ne devrait pas divorcer et qu'elle n'en serait pas là si elle avait "bien travaillé à l'école".

La chroniqueuse de LCI Julie Graziani a déclenché un tollé en expliquant qu’une mère de famille au Smic ne devrait pas divorcer et que “bien travailler à l’école” aurait pu l’aider. Est-ce vrai ?

Des propos choquants… et erronés ? Lundi 4 novembre, la chroniqueuse de LCI Julie Graziani - qui travaille également pour la revue L’incorrect, fondée par des proches de Marion Maréchal - a vivement réagi à une vidéo montrant une discussion entre Emmanuel Macron et une mère de famille. Cette dernière expliquait au président de la République, en déplacement à Rouen le 30 octobre dernier, qu’étant mère célibataire de deux enfants au Smic, elle peinait à boucler ses fins de mois.

De retour sur le plateau de LCI, l’éditorialiste Julie Graziani a tenu à réagir avec des propos qui ont déclenché une vague de colère, notamment sur les réseaux sociaux. “Qu’a-t-elle fait pour se retrouver au Smic, a-t-elle bien travaillé à l’école ? Est-ce qu’elle a suivi des études ? Et puis si on est au Smic, il ne faut peut-être pas non plus divorcer dans ces cas-là”, a commenté la chroniqueuse.

Des propos sur le divorce rapidement condamnés par la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, qui a dénoncé un “violent mépris des mères isolées”.

Le rôle des diplômes sur l’emploi

Mais la première partie de la déclaration de Julie Graziani, concernant l’école et les études, est tout aussi surprenante et surtout partiellement fausse. Outre le jugement - la chroniqueuse considère visiblement que tous les Français sont égaux face aux études et que tout n’est qu’une question de choix - Julie Graziani sous-entend que faire des études permet de gagner plus que le Smic et, inversement, que ne pas en faire mène tout droit au salaire minimum.

Une vision quelque peu simpliste du marché du travail. Il est vrai que, selon les conclusions de l’Insee de 2018, “le salaire varie beaucoup selon le niveau de diplôme”. En 2016, par exemple, “parmi les jeunes salariés sortis depuis un à quatre ans de formation initiale, les diplômés du supérieur perçoivent un salaire net médian de 1 370 euros après des études courtes et de 1 800 euros après des études longues”.

“Les plus diplômés sont moins touchés par le chômage et ils ont des revenus plus élevés”, confirme Guillaume Allègre, économiste à l’OFCE. “La qualification reste le meilleur rempart contre le chômage”, assure de son côté Mathieu Plane, lui aussi économiste à l’OFCE.

Les salaires des plus diplômés en recul

Pour autant, des variations sont à apporter. Dans ce même rapport de 2018, l’Insee précise que “le salaire médian des jeunes sortant diplômés du supérieur a globalement reculé depuis 1990, notamment pour les plus diplômés”. “Les diplômés ne gagnent pas de moins en moins”, nuance Guillaume Allègre, “mais il y a une massification scolaire, qui fait qu’un même diplôme a une valeur différente d’il y a 30 ans”.

Et, surtout, la crise de 2008 est passée par là. “Elle a eu des conséquences fortes sur les salaires, le niveau de chômage, la création d’emplois...”, précise Mathieu Plane. “Cette dégradation du marché du travail a pu conduire à un déclassement des diplômes. Parmi ceux qui ont des Master 2, certains ont dû accepter des postes de niveau licence. Les étudiants de licence ont accepté des métiers niveau bac...”, énumère l’économiste. Résultat : “les plus qualifiés ont réussi à maintenir un accès à l’emploi élevé, mais leurs salaires ont plutôt eu tendance à baisser”, conclut-il.

Des diplômes et des bas salaires

“Il n’y a pas que les diplômes qui comptent, il est aussi question de savoir lesquels”, ajoute de son côté Guillaume Allègre. “Les filières comme le commerce, l’ingénierie, la finance... paient bien plus que l’histoire ou la psychologie”, commente le spécialiste.

D’ailleurs, certains métiers nécessitant de faire des études ne sont pas rémunérateurs pour autant. Un professeur remplaçant, sans diplôme mais ayant au moins un bac+2, gagnait 1500 euros brut par mois en 2017, alors que le Smic était à 1480,27 euros.

Le statut d’assistant territorial de conservation du patrimoine et des bibliothèques - qui concerne notamment les bibliothécaires, documentalistes, archivistes… - prévoit un salaire de 1590 euros brut par mois en début de carrière, pour un métier qui nécessite au minimum un bac +2, voire bien souvent une licence ou un master. Alors que le Smic s’élève actuellement à 1521 euros brut par mois.

“Les journalistes sont souvent très diplômés mais commencent très bas en début de carrière”, ajoute Guillaume Allègre. Ces inégalités sont liées à une question d’offre et de demande. “Certaines professions sont attractives, dans le sens où beaucoup veulent les exercer. La demande devient donc supérieure à l’offre, ce qui fait baisser les salaires”, décrypte le professionnel.

À l’inverse, “certaines professions ne nécessitent pas beaucoup de diplômes - mais des compétences - et sont tout de même bien rémunérées, comme plombier”, conclut Guillaume Allègre.

Peut-être consciente de l’inexactitude de ses propos, Julie Graziani a en tout cas présenté ses excuses ce mardi après-midi.

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