Journées du patrimoine 2024 : 5 choses à savoir sur le palais de l’Élysée

À l’occasion des Journées du patrimoine qui se tiennent ce samedi 21 et dimanche 22 septembre 2024, Yahoo vous propose de mieux connaître un lieu pris d’assaut par les Français et les touristes ce week-end là : le palais de l’Élysée.

Journées du patrimoine 2024 : 5 choses à savoir sur le palais de l’Élysée (Crédit : Eric Feferberg / AFP) (Photo by ERIC FEFERBERG/AFP via Getty Images)
  • Il n'était pas destiné à devenir un lieu de pouvoir

Inauguré il y a trois siècles par un bal, le palais de l'Élysée a été bâti et financé par Antoine Crozat, homme d'affaires devenu richissime grâce au commerce des esclaves, pour y loger sa fille et son gendre Louis-Henri de la Tour d’Auvergne, comte d’Évreux. Baptisé hôtel d’Evreux, le bâtiment imaginé par l’architecte Armand-Claude Mollet n’était pas prédestiné à devenir l’un des sanctuaires de la République. À la mort du comte d’Évreux, le bien est acquis par la favorite de Louis XV, la marquise de Pompadour, qui l’abandonne rapidement après avoir réalisé de nombreux travaux. À l’époque, les habitants du faubourg parlaient de la demeure comme de la "maison de la putain du roi".

Puis, c’est au tour d’un riche banquier Nicolas Beaujon de faire l’acquisition de l’hôtel particulier en 1773. "Passant de mains en mains, divisé en appartements, utilisé pour de grands bals, il devient, au début du XIXe siècle, la propriété de Joachim et Caroline Murat, sœur de Napoléon Ier", relate Radio France. Pour la première fois, le palais devient une résidence d’État, un lieu de pouvoir. En 1848, l'Élysée devient par décret la résidence du premier président de la République. Louis-Napoléon Bonaparte prend possession des lieux jusqu'à ce que le coup d'État de 1852 ne le décide à abandonner l'hôtel d'Évreux pour le palais des Tuileries, plus vaste et plus central. Il faudra attendre quasiment cent ans et la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir un président de la République - Vincent Auriol - habiter à l’Élysée.

  • Un "palais construit de la main gauche" selon Charles de Gaulle

Peu pratique, incommode, caserne… Les présidents de la République qui se sont succédé depuis près de 180 ans au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré, en plein coeur de Paris, ont souvent eu des mots durs sur ce palais qui isole et participe à la déconnexion des hommes politiques. Mais si tous les présidents prétendent ne pas apprécier les dorures du palais, aucun ne s’est résolu à déménager. De tous les locataires de l’Élysée, Charles de Gaulle était sûrement le plus critique. "Caserne", "palais construit de la main gauche", "palais de femmes" : voilà comment Charles de Gaulle résumait son lieu de résidence pendant onze ans. Le père fondateur de la Ve République imagine alors transférer le lieu du pouvoir au Château de Vincennes avant de se résoudre à rester. Charles de Gaulle n’aura pas été le seul à se plaindre de cette prison dorée. Raymond Poincaré, président de 1913 à 1920, affirmait habiter la "maison des morts". Georges Pompidou confiait son "vertige à ne capter aucun bruit de la ville si proche" et son épouse, Claude Pompidou, en parlait comme de la "maison du malheur".

"Aucun chef d'État en Europe n'a une maison aussi petite. Et la France doit être fière des institutions de la République. Il faut déménager", confie François Mitterrand à Jacques Attali, le 21 mai 1981, jour de la passation de pouvoir à l’Elysée. Le président socialiste, lui, pense aux Invalides pour déménager avant de faire machine arrière en raison du coût de l’opération. D’ailleurs, ce même jour, Valéry Giscard d’Estaing glisse à son successeur un conseil : "Ne vous laissez pas enfermer ici. On y est un peu prisonnier, vous verrez".

À l’étroit à l’Élysée, VGE avait pensé à déménager à l’École Militaire comme Nicolas Sarkozy trente ans plus tard. De tous les présidents de la Ve République, Jacques Chirac est sûrement celui qui s’est senti le plus à l’aise dans la première maison de France. Finalement, c’est peut-être Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de François Hollande qui résume le mieux le lieu : "Même si le bâtiment se trouve au cœur de Paris, on n’entend pas les bruits de la ville. On a l’impression d’être assez isolé du reste de la population".

  • Un président y est mort

Des nombreuses histoires entendues dans les murs du "Château", l’une d’elles vaut le détour encore plus que les autres. Nous sommes le 16 février 1899 et le président Félix Faure, élu quatre ans plus tôt, succombe à une crise cardiaque dans son bureau de l’Élysée à 58 ans. Jusque-là, rien de très palpitant sauf que le président est mort dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Steinheil, en pleine partie fine, alors que les deux amants se trouvaient dans le salon d’Argent du Palais de l’Élysée. "Avant de recevoir ses maîtresses, Félix Faure avait coutume d'absorber une dragée à base de phosphure de zinc. Ce médicament - Viagra de l'époque - avait la vertu d'exciter les virilités défaillantes, mais il avait aussi pour effet de bloquer la circulation rénale", précise Radio France.

Cet épisode absurde accouchera d’une scène cocasse quelques minutes après le malaise du président Faure lorsqu’un prêtre, appelé de toute urgence, demandera : "Le président a-t-il encore sa connaissance ?" et que l’huissier qui le guide répondra : "Non, elle est partie par l’escalier". Des quatre présidents décédés pendant leur mandat (Marie-François Sadi-Carnot en 1894, Félix Faure en 1899, Paul Doumer en 1932 et Georges Pompidou en 1974), Félix Faure est le seul à être mort au palais de l’Élysée.

  • Il abrite la salle la plus secrète de France

Le PC Jupiter, abri anti-aérien entré en service sous la présidence d’Albert Lebrun en 1940 dans les sous-sols de l’Élysée, abrite notamment les réunions du conseil de défense, un conseil des ministres restreint. Le bunker ultra-sécurisé a par exemple beaucoup servi au moment de la crise du Covid-19. C’est aussi depuis cette pièce doublement hermétique avec ses portes blindées que le président en exercice est susceptible de déclencher le feu nucléaire. Il existe très peu d’images du souterrain où les téléphones portables sont interdits. En 1978, Valéry Giscard d’Estaing avait autorisé la télévision à le filmer dans le PC Jupiter dans un reportage à retrouver ici.

En 2018, Emmanuel Macron a posté un rare cliché de ce lieu hautement stratégique lors des frappes occidentales contre la Syrie. Pour l’heure, il n’a encore jamais servi pour des raisons de sécurité même si "le 7 décembre 2018, à la veille d’une manifestation jugée à hauts risques des ‘gilets jaunes’, une visite du bunker a été organisée pour Brigitte Macron et des conseillers d’Emmanuel Macron. Au cas où", écrit Le Monde.

  • La demeure aux 365 pièces

Quand on parle du siège officiel de la présidence de la République française, difficile de ne pas évoquer certains chiffres qui donnent le tournis. Le Palais de l'Élysée, c’est d’abord 365 pièces réparties sur une surface de 11 000 mètres carrés habitables et 6 entrées différentes, dont celle que vous avez l’habitude de voir à la télévision avec le porche et la Cour d’honneur. Pour les Journées du patrimoine, l’entrée du public s’effectue par la grille du coq située avenue Gabriel. Derrière les portes de l’Élysée, plus de 800 employés travaillent au service du Chef de l'État et du pays. Ils sont cuisiniers, jardiniers, argentiers, huissiers, majordomes et participent à la bonne marche du palais.

Cet été, un rapport de la Cour des comptes, passé inaperçu avec les Jeux olympiques et la situation politique du pays, a épinglé le train de vie du palais. Les dépenses de la présidence de la République ont atteint 21 millions d’euros l’an dernier contre 13,3 millions en 2022 et 9,87 millions en 2021.