Journaliste infiltré dans un commissariat parisien: les policiers appellent à "ne pas généraliser"

Le journaliste Valentin Gendrot, infiltré dans la police, auteur de
Le journaliste Valentin Gendrot, infiltré dans la police, auteur de

Humiliations, violence, mensonge, racisme... Dans le livre-enquête Flic, publié ce jeudi, le journaliste Valentin Gendrot raconte ses six mois d'infiltration dans un commissariat du XIXe arrondissement parisien, dépeignant un tableau très noir de la police. Un livre qui a fait réagir la profession, qui a dénoncé certaines parties de la publication, et la généralisation de certains cas à tous les policiers.

"J'ai plus de 25 ans d'ancienneté dans la police nationale, et je n'ai pas constaté ce qu'il a constaté au quotidien", a déclaré ce vendredi sur BFMTV Stanislas Gaudon, secrétaire national du syndicat Alliance Police nationale, demandant de ne pas "jeter l'opprobre sur l'ensemble des policiers, par rapport à un focus sur un commissariat".

"Il ne faut pas généraliser"

Dans son livre, Valentin Gendrot décrit par exemple les violences faites par des agents de police sur des gardés à vue, sur des migrants, les humiliations, ou encore le renvoi d'une femme qui voulait déposer une main courante pour violences conjugales, son mari la menaçant de mort. "Le collègue policier qui est avec moi répond: 'Madame revenez nous voir si ça se reproduit'", raconte le journaliste. "Je me dis: 'je débarque dans quoi? C'est quoi ce monde?'"

"Ce n'est pas normal", déclare sur BFMTV Abdoulaye Kanté, policier dans les Hauts-de-Seine. Il concède que le journaliste a pu faire face à "des personnes ou des collègues qui n'ont pas forcément ce devoir d'exemplarité", mais selon lui, "il ne faut pas généraliser. Il parle de plusieurs faits, sur six mois dans un commissariat, cela est-il suffisant pour généraliser?"

"Il ne faudrait pas en faire un focus sur l'ensemble de la police nationale", tempère Stanislas Gaudon. "Le métier de policier est un métier difficile, oui il peut y avoir des manquements et il ne faut pas être dans le déni, mais ils font l'objet notamment d'enquêtes et de sanctions", assure-t-il, ajoutant que "99% des policiers travaillent bien".

"Dans une institution de 140.000 personnes, à la pointe de la lutte contre la délinquance, il peut y avoir des dérapages", déclare Jean-Paul Megret, le secrétaire national du syndicat de commissaire SICP sur Europe 1. Mais selon lui, le livre "laisse croire qu’il y a des choses institutionnalisées, intégrées culturellement par les policiers. On essaye de faire croire que c’est une habitude", déplore-t-il.

Un faux témoignage reproché à l'auteur

Un passage fait particulièrement tiquer les policiers. L'auteur raconte que son unité est un jour appelée "parce qu'un groupe d'adolescents a mis la musique trop forte". Après que la musique a été coupée, un adolescent "a été tabassé dans la voiture, il a été frappé au commissariat".

Les policiers sont auditionnés après le dépôt de contre-plaintes, et Valentin Gendrot assume avoir alors "fait un faux témoignage pour couvrir mon collègue. J'ai participé à cela parce que dans la police, les gens se couvrent", explique-t-il sur BFMTV.

Pour les policiers interrogés, cette attitude est condamnable. "Valentin a donc fait un faux, car Valentin était policier à ce moment là... Valentin expliquera ça au juge. Comme le reste", tweete le syndicat des commissaires de police. "J'ose espérer qu'il pourra s'en expliquer", déclare Stanislas Gaudon, "pourquoi il n'y a pas eu de signalement sur les faits s'ils sont avérés?"

"Il décrit certaines situations dont il est lui-même complice, et ce qui est dérangeant c'est qu'il n'est pas journaliste quand il est policier. Il est policier. Donc il a certains devoirs de dénoncer certains faits", lance de son côté Abdoulaye Kanté. Ces comportements, "il faut les dénoncer et il faut les combattre, mais vous ne pouvez pas les combattre si vous ne dites rien".

Des sanctions disciplinaires appliquées?

Interrogé sur la difficulté de mettre en place des sanctions quand des agents se couvrent entre eux, Stanislas Gaudon assure que "tous les mercredis il y a des conseils de discipline, tous les mercredis il y a des sanctions disciplinaires qui tombent à l'encontre des policiers".

En juillet, Amar Benmohamed, un brigadier-chef officiant au dépôt du tribunal judiciaire de Paris, avait déjà fait un témoignage accablant de la police, affirmant que "sur un peu plus de deux ans, plus de mille prévenus ont été maltraités" par des agents, mais ont aussi été victimes d'insultes racistes. Il expliquait alors que ses signalements à la hiérarchie n'avaient pas entraîné de sanction.

L'un des seuls points que les policiers accordent à l'enquête est la description du quotidien très difficile de la profession, avec à disposition un matériel vétuste, et des hommes en première ligne face à la mort et la violence.

"Quand vous épousez le métier de policier, vous êtes face à une certaine violence, à une certaine population, à une certaine réalité", déclare Abdoulaye Kanté. "Nous sommes les éponges de la société. Ce que les gens lambdas ne peuvent pas ou n'acceptent pas de voir, nous on le voit et on le vit".

Article original publié sur BFMTV.com