Le jour où j’ai décidé de rester prof
shironosov via Getty Images
Malgré un salaire médiocre (qui je l’espère va s’améliorer) et une reconnaissance douteuse, je RESTE prof et je suis heureuse d’avoir un métier ESSENTIEL !
ENSEIGNEMENT - Pandémie, solitude, manque de reconnaissance, de nombreux facteurs m’ont amenée à me questionner sur mon métier, celui d’enseignante dans un collège et un lycée de la France rurale.
Pandémie : un avant et un après
En quinze années, j’ai participé à plusieurs réformes qui faisaient changer le travail du professeur à petits pas. Avec la pandémie de Covid, il y a eu un pas de géant dans l’évolution du métier d’enseignant. C’est un vrai tsunami ! Du jour au lendemain, nous avons mis en place des stratégies diverses pour faire « l’école à la maison » alors que certains d’entre nous, et c’est mon cas, ont clairement choisi, parfois après une reconversion professionnelle, de devenir enseignant afin d’être en contact réel avec des êtres humains : les élèves. Du jour au lendemain, nous étions, comme un traducteur indépendant, cachés derrière nos vitres technologiques (=les ordinateurs) en train d’essayer de maintenir un lien, le moins déshumanisé possible, tout en développant les connaissances et les compétences des jeunes dont nous avions la charge.
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Le retour à l’école « en présentiel », comme on le dit maintenant, était une douche froide. La relation entre les acteurs de l’éducation, je pense bien sûr à l’enseignant et son groupe d’élèves mais aussi la direction, les parents et l’ensemble de la communauté éducative s’est endurci. La communication est (en partie) électronique, rapide et intrusive.
Des adultes imprévisibles
Les parents peuvent être inquiets pour l’avenir de leurs enfants, se sentir supérieurs aux professeurs. Ils peuvent les voir comme de simples cols-bleus et les mépriser ouvertement. Il y a aussi (et c’est la majorité !) des parents qui coopèrent de façon bienveillante avec les professeurs de leurs enfants.
La comparaison entre écoles, avec notamment l’enseignement par choix d’enseignements de spécialités au lycée, est croissante et amène la direction d’un groupe scolaire à se comporter en responsable marketing et commercial qui veut développer des offres multiples, des services bonus à bas coût. La solution trouvée est de déléguer le travail aux professeurs avec un complément de rémunération infime, voire nul mais en augmentant toujours la pression sur l’objectif de réussite des élèves et de satisfaction des parents.
Des jeunes à soutenir, à élever
En parlant des adultes, on oublierait presque les principaux intéressés : les élèves ! Ils ne peuvent pas comparer l’école du « bon vieux temps » avec celle d’aujourd’hui car, de toute façon c’est la nouvelle génération. Ils découvrent le monde et leur environnement avec l’établissement scolaire qu’ils fréquentent de façon quotidienne (ou pas ! …Je pense aux élèves en souffrance, malades ou décrocheurs).
Les collégiens et les lycéens ont besoin d’apprendre des notions, d’arriver à prendre du recul sur les choses et aussi devenir compétents tant au niveau scolaire que psychosocial. Ça fait beaucoup ! Une partie des découvertes se fait dans la sphère privée (je pense à la famille, aux amis et à l’ensemble des activités extrascolaires) et une autre en milieu scolaire. Nous avons une responsabilité inédite et le défi est énorme, c’est celui de former les adultes de demain. C’est une belle et noble mission qui amène tous les jours son lot d’anecdotes délicates, voire anxiogènes et d’autres très joyeuses (heureusement !) !
Toujours de nouvelles surprises
La routine est peu présente dans le métier d’enseignant. Les années passent mais ne se ressemblent jamais. Une chose est rassurante, c’est le fait d’avoir un emploi de temps de cours avec les élèves à peu près récurrent d’une semaine sur l’autre. Cela amène un peu de stabilité pour mieux surfer entre les tâches multiples, parfois usantes, à réaliser.
Avec la pandémie, les comportements à risques se développent chez nos jeunes et les enseignants ont la lourde charge de participer à la détection du mal-être de ces enfants. Cela dit, le professeur – comme l’infirmier – doit, pour le dire avec des mots simples, arriver à « laisser les problèmes de l’école à l’école » afin de préserver sa propre santé mentale et maintenir des relations saines avec ses proches.
Il y a les bonnes surprises ! Les collégiens ont cette fraîcheur de la nouveauté qui les amène à faire des réflexions inédites auxquelles les grandes personnes ne pensent plus. Ils ont encore, en partie, une âme d’enfant. Les lycéens se présentent parfois très sûrs d’eux et ont parfois le sentiment d’appartenir à un nouveau monde que les adultes ne « peuvent pas comprendre » ce qui peut apporter des attitudes amusantes (bon acteur, le professeur ne fera rien paraître mais aura le plaisir de raconter cette anecdote en salle des professeurs ou le soir en retrouvant son conjoint ou sa conjointe.)
Le conjoint : ce super-héros !
Un enseignant a le besoin de « débriefer ». Le plus souvent ce sera avec son conjoint. Artisan, ingénieur, coiffeur… C’est souvent une personne qui n’a rien en commun avec l’espèce si particulière qu’est un enseignant. Il entendra parfois jusqu’à tard dans la nuit, les joies et les peines rencontrées par sa moitié pendant sa journée de travail. Même si certaines anecdotes sont très drôles pour un professeur, elles ont parfois beaucoup moins de saveur pour le non-spécialiste qui ne peut qu’écouter (ou faire semblant ) car il n’aura que peu de chance de trouver le temps d’imposer son temps de parole au sein du couple. Alors, mettons à l’honneur tous ces super-héros que sont les conjoints de profs !
Un métier d’intello en lien avec les progrès
Oula, elle se la joue ! Il y a les intelligents qui sont profs et les autres ! NON ! Évidemment !
Disons que ce qui est très chouette dans le métier d’enseignant est qu’on est toujours dans la réflexion. On développe des stratégies pour intéresser, faire participer et développer les apprentissages des jeunes qui grandissent dans un monde qui n’est jamais le même. Peu importe le niveau dans lequel on enseigne, on s’informe, on se remet en question, on apprend.
Jury de bac, une fierté nationale !
Le mois de juin, c’est la période du baccalauréat. Je suis fière de participer à cet évènement national. J’espère qu’il va le rester un peu et ne deviendra pas un diplôme qui s’obtient en cumulant des notes de contrôle continu complet. Un adolescent passe un cap quand il a obtenu son baccalauréat. OK, il est diplômé et peut aller faire des études mais si on regarde le processus de façon élargie, il a son bac, il passe son permis de conduire, il va faire des études et avoir son premier appartement… Bref, il devient un jeune adulte qui part – seul — à la découverte du savoir et du monde !
Un métier essentiel !
Il y a des métiers qui se sont arrêtés durant les confinements de 2020/21. Bizarrement, il s’agissait parfois d’activités bien rémunérées et reconnues de façon positives au sein de la société.
L’enseignement, avec les professeurs de l’éducation nationale, est apparu nécessaire, pas seulement de façon basique c’est-à-dire en développant des savoirs et des compétences chez les jeunes mais pour tenir la société, maintenir une certaine paix sociale et réduire l’anxiété générale.
C’est simple, l’enseignant est utile aux élèves et à la société tout entière. Alors, aujourd’hui, mon choix est fait. Malgré un salaire médiocre (qui je l’espère va s’améliorer) et une reconnaissance douteuse, je RESTE prof et je suis heureuse d’avoir un métier ESSENTIEL !
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