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José Mourinho est-il démodé ?

Philippe Doucet se penche sur le cas José Mourinho.
Philippe Doucet se penche sur le cas José Mourinho.

On est tellement heureux de voir la Ligue 1 refuser définitivement de prendre le bus… Un bus qu’on a vu si souvent garé devant un but durant les années 2000. Un Strasbourg-Marseille (3-3) ou un Lyon-Monaco (3-2) étaient bien trop rares à cette époque. On disait alors que les entraîneurs français singeaient trop leur référence évidente, Aimé Jacquet avec les titres des Bleus. Même si le style limitatif s’appliquait bien au succès de 1998, mais bien moins à celui de 2000. Un Euro où la France avait un attaquant fort (Henry), un leader de jeu à son sommet (Zidane) et marquait des buts (13 en Belgique et au Pays-Bas lors de l’Euro…).

Et si la référence des entraîneurs français n’était pas alors plutôt Mourinho ? Il faut se remettre dans le contexte. Le débat d’alors n’opposait pas encore Guardiola, et son football flamboyant, et Mourinho. On en était encore à la fin de la glorieuse Italie et à l’avènement d’un jeune entraîneur portugais. Sauf que le personnage Jose Mourinho était aussi fascinant de modernité qu’épouvantable sur le plan du jeu. Le symbole de sa victoire en Champions League avec l’Inter Milan en 2010 était saisissant. Un concentré de cynisme et de réalisme rappelant totalement les victoires de l’Inter d’Herrera des années 60. Mais aussi une perf d’entraîneur phénoménale ou comment gagner quand on n’a pas la meilleure équipe !

Il est d’ailleurs assez symptomatique de constater qu’à ce jour, Jose Mourinho a su exprimer son talent à son meilleur lorsqu’il n’était pas dans le meilleur club, lorsqu’il pouvait agiter à plein sa science de la ruse et de la comm. « petit contre reste du monde ». Ses deux victoires en Champions League sont venus dans ce contexte avec Porto et l’Inter. Et non lorsqu’il a bénéficié des budgets rutilants de Chelsea (deux fois), du Real Madrid ou encore de Manchester United, aujourd’hui.

C’est curieux mais, dans ce cadre, il parait tout d’un coup, vain, voire démodé. Il avait déjà choqué au Real en essayant d’abattre le Barça de Guardiola en mettant Pepe au milieu et en mettant des coups, voire un doigt dans l’œil… Il surprend (on ne devrait plus être surpris !) encore quand son Manchester Utd arrive en costaud et leader, chez un Liverpool en plein doute. Que croyez-vous qu’il fit ? Chercher à enfoncer le rival du « derby d’Angleterre » ? Que nenni… A ce titre, la comparaison avec Guardiola et Manchester City dans des circonstances comparables (Chelsea-Man.City fin septembre) est saisissante :

À Liverpool et à Chelsea

  • Man Utd : 38% de possession, 354 passes réalisées, 75% passes réussies

  • Man City : 62% de possession, 653 passes réalisées, 89% passes réussies

Une vraie différence de psychologie. A l’ancienne, Mourinho reproduit les matches réalisés l’an dernier à Liverpool et Manchester City. Deux fois des 0-0 avec des possessions inférieures à 35%.

Pourtant, ses résultats contre les grands d’Angleterre n’ont guère émerveillés et ne lui ont pas permis d’être au-dessus de la 6ème place. Il est vrai qu’il a sacrifié la Premier League à l’Europa League en toute fin de saison. Pour mieux agir de la même manière en finale face à l’Ajax pour mieux prendre en contre une équipe néerlandaise, pourtant sensiblement inférieure.

Tel est Mourinho qui accepte de laisser Liverpool dominer sans dommage.

Tirs

  • Liverpool : 9 en 1ère période, 10 en 2ème période et 11 dans la surface de réparation

  • Man United : 6 en 1ère période, 0 en 2ème période et 12 dans la surface de réparation

Etonnamment, Mourinho et ses 4-0 à la chaîne réalisés en premier League (mais toujours en marquant beaucoup sur la fin en contre) accepte de ne pas jouer sur le terrain d’un rival. Quitte à limiter son buteur Lukaku à 22 ballons…

Aujourd’hui, la Ligue 1 et entraîneurs français ne semblent plus être inspirés par le grand méchant Mou. Et la Ligue 1 nous a offert 31 buts ce week-end…

PHILIPPE DOUCET