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Joséphine Baker au Panthéon: les messages politiques derrière l'événement historique

Consensuelle, l’entrée de Joséphine Baker (ici le 6 mars 1961 à New York) au Panthéon comporte beaucoup de messages politiques (Photo: via Associated Press)
Consensuelle, l’entrée de Joséphine Baker (ici le 6 mars 1961 à New York) au Panthéon comporte beaucoup de messages politiques (Photo: via Associated Press)

POLITIQUE - Était-ce son rêve joli? Joséphine Baker, la militante de toutes les libertés, résistante et icône de cabaret aux deux amours et aux milles vies, va entrer aux Panthéon mardi 30 novembre prochain. “Des Folies-Bergère au suprême sanctuaire”, comme l’écrivait Régis Debray en 2013, en lançant l’idée dans les colonnes du Monde.

Il aura donc fallu huit ans pour que cette proposition aux aspects historiques, mais finalement consensuelle, fasse son chemin... et s’impose aux yeux d’Emmanuel Macron. Le président de la République, comme le veut la tradition depuis les années 1990, prononcera le seul discours de la cérémonie, en haut de la rue Soufflot pour la troisième panthéonisation de son mandat.

Après Simone Veil en 2018 et Maurice Genevoix en 2020, il s’agit là, d’un choix plus inattendu -ou disruptif diraient certains. Il casse les codes en élargissant le profil figé de ceux qui y reposent, pour la plupart hommes d’Etat, héros de guerre ou écrivains.

La quête de liberté et de justice

Joséphine Baker sera ainsi la première femme noire, et la première artiste de scène à être célébrée en ces lieux. La sixième femme, seulement, à entrer au Panthéon, sur 81 pensionnaires. Mais le symbole va bien au-delà.

A l’Élysée, on tresse les lauriers d’une personnalité à “la vie absolument incroyable, profondément marquée par la quête de liberté et de justice.” Ou le reflet de “ce que peut devenir un être humain lorsqu’il fait preuve de volonté et de détermination pour construire sa propre émancipation.”

Mardi prochain, c’est effectivement le visage d’une femme aux multiples combats qui s’affichera sur la façade du Panthéon: née dans l’Amérique pauvre, ségrégationniste, Joséphine Baker a choisi la France pour y devenir une meneuse de revue iconique des Années folles. Elle a ensuite profité de sa notoriété pour entrer dans le contre-espionnage pendant la Seconde guerre mondiale avant de mener un combat international contre le racisme en devenant la mère de douze enfants adoptés aux quatre coins du monde.

“Une histoire personnelle exemplaire”, résume le palais présidentiel, à propos de celle qui, sans plume ni paillette mais en uniforme de la France libre, s’était exprimée après Martin Luther King et son fameux “I have a dream” en 1963, à Washington.

“Lorsque j’étais enfant, ils ont brûlé ma maison, j’ai eu peur et je me suis enfuie. J’ai fini par m’enfuir très loin. Jusqu’à un endroit qu’on appelle la France”, avait-elle lancé à la foule, dans une ode à son pays d’adoption, “Je peux vous dire, mesdames et messieurs, que dans ce pays qui semblait sorti tout droit d’un conte de fées, je n’ai jamais eu peur.”

Une artiste, combattante et militante, qui a donc porté haut “les valeurs de la France et de la République”, insiste l’Elysée. En ce sens, la décision d’Emmanuel Macron envoie plusieurs messages politiques, comme le prophétisait encore Régis Debray, en 2013, en expliquant que “c’est toujours le présent qui se célèbre lui-même en consacrant tel ou tel fantôme tutélaire.”

“C’est un message de fraternité universelle. Un choix de l’imaginaire qui entraîne, contre un identitaire qui enchaîneUn conseiller élyséen à l'AFP

Pour le chef de l’Etat, la panthéonisation de Joséphine Baker coche toutes les cases de la “réconciliation” mémorielle qu’il défend depuis son arrivée au pouvoir. Elle s’inscrit dans le “récit national” qu’il entretient, de cérémonie en discours, autour des “héros” ou héroïnes françaises. Et constitue, en célébrant cette apôtre du vivre-ensemble, une forme de réponse à ceux qui veulent le mettre à mal, à ses yeux.

“C’est un message de fraternité universelle. Un choix de l’imaginaire qui entraîne, contre un identitaire qui enchaîne”, n’hésitait pas à lancer un conseiller élyséen à l’AFP, à la mi-novembre, en référence à la montée des discours politiques identitaires. “Mesurons le chemin que l’on peut parcourir parfois en sens inverse et interrogeons-nous sur son sens”, ajoute le Château, dans une autre allusion politique, rappelant que Joséphine Baker est devenue française le jour de son mariage, en 1937, quand, “certains”, aujourd’hui, “entendent porter ce délai à 10 ans.” Une pique tout droit envoyée aux Républicains en ce moment en congrès.

Un parcours fait de luttes et de symboles, qu’Emmanuel Macron ne manquera pas de raconter, en détails, mardi, devant le Panthéon: une grande femme, dont la patrie est reconnaissante.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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