Jordan Bardella rattrapé par l’affaire des assistants fictifs du RN au Parlement européen
POLITIQUE - Le dossier qui empoisonne le Rassemblement national va-t-il éclabousser son protégé ? Ce lundi 9 septembre, Libération publie une enquête détaillée portant sur l’affaire des assistants parlementaires européens, dont le procès, impliquant au premier chef Marine Le Pen, s’ouvrira à la fin du mois. Et plus précisément sur un mystère entourant la procédure : la place de Jordan Bardella dans ce dossier tentaculaire.
Plusieurs responsables frontistes sont accusés d’avoir utilisé leur enveloppe de députés européens, entre 2014 et 2019, pour rémunérer des militants travaillant en réalité pour le seul bénéfice du Front national. Une manœuvre qui permettait, selon le parquet, au parti d’extrême droite de payer des permanents, malgré des finances en déficit.
Or, curieusement, Jordan Bardella ne figure pas parmi les 25 prévenus soupçonnés de détournements de fonds européens entre 2004 et 2016. La raison pourrait se trouver du côté de l’épaisseur de ce dossier gigantesque, dans lequel les autorités auraient préféré se focaliser sur les principaux décideurs et bénéficiaires.
Mais l’article de Libération avance une autre explication. Cette enquête est tirée d’un livre, La Machine à gagner, à paraître aux éditions du Seuil le 13 septembre. Tristan Berteloot, journaliste à Libération, revient sur cette affaire, et explique que le président du RN a été protégé par un « faux dossier de preuves de travail » bricolé par le Front national et signé par lui-même, visant à blanchir ce jeune militant en pleine ascension qui avait bien été embauché en tant qu’assistant parlementaire de l’eurodéputé Jean-François Jalkh sur la période qui intéresse la justice.
« Montage du dossier Bardella »
Tout est parti du moment où le parti lepéniste a réalisé, fin 2017, que dans ce dossier, Jordan Bardella figurait bien dans la liste d’assistants ayant eu « des activités incompatibles avec leur contrat d’assistance parlementaire ». Problème : l’intéressé avait pris entre-temps une autre dimension au sein du futur RN, ayant été promu porte-parole après la deuxième campagne présidentielle de Marine Le Pen, à laquelle il a activement participé.
De là serait venue l’idée de constituer un dossier attestant de l’effectivité de son travail d’assistant parlementaire, afin de protéger cette étoile montante. À l’appui de cette révélation : un e-mail ignoré par la justice, et dans lequel Ghislain Dubois, avocat belge du RN dans cette affaire, explique à un militant la marche à suivre. « Coucou ! Jean-François [Jalkh, ndlr] me demande de te charger de cette mission suivante, si tu veux bien. Le but est important : montage du dossier de Jordan Bardella ». Objectif : fabriquer sur Global Factiva une revue de presse qui montrerait que le futur président du RN a bien effectué un travail de veille médiatique pour l’eurodéputé.
Seul hic : la plateforme interne du Parlement européen permettant aux assistants de faire ces revues de presse fait apparaître sur le document final la date de recherche ainsi qu’une signature numérique. Des informations possiblement incriminantes (ou discriminantes) qui n’apparaissent pas sur les documents. Et pour cause : « quelqu’un va se charger de cacher cette mention au blanco », révèle cette enquête. En revanche, ces documents (dont on ne peut connaître la date de production) ont bien été paraphés manuellement par Jordan Bardella.
« Accusations mensongères »
Ce lundi, le Rassemblement national n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué diffusé dans la matinée, le parti d’extrême droite affirme que « Jordan Bardella conteste formellement les accusations mensongères contenues dans un article de Libération », et assure que le président du RN n’a rien à se reprocher.
« Alors qu’il était encore étudiant, Jordan Bardella a été employé à mi-temps, du 16 février au 30 juin 2015, pour une rémunération de 1 200 euros nets, comme assistant parlementaire local du député européen Jean-François Jalkh, et a travaillé dans ce cadre, sans aucune infraction, ni irrégularité, tant au regard du règlement du Parlement européen que de la loi française », assure le RN qui dit « qu’aucun justificatif n’a été demandé et a fortiori versé à la Justice ».
Marine Le Pen et plusieurs membres de son parti sont renvoyés en correctionnelle sur la base de soupçons concernant un possible détournement au profit du Front national de ressources mises à disposition par le Parlement européen. Un préjudice estimé à 6,8 millions d’euros impliquant au total 25 prévenus, dont la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le député de l’Yonne Julien Odoul ou d’autres figures historiques du parti d’extrême droite, comme Bruno Gollnisch ou Jean-Marie Le Pen. Le procès s’ouvrira le 30 septembre et pourrait aboutir à une peine d’inéligibilité contre ces dirigeants.
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