Jordan Bardella rate son coup de com’ au Parlement européen après un rappel au règlement
Pourtant élu depuis 2019, le président du RN a été pris en flagrant délit de méconnaissance des règles du Parlement. « Censure », répond son entourage.
POLITIQUE - Dura led, sex led. Ces dernières 24 heures, plusieurs eurodéputés de gauche se gaussent sur les réseaux sociaux d’un montage vidéo particulièrement acide montrant Jordan Bardella, président du RN et par ailleurs président du groupe Patriotes au Parlement européen, en difficulté dans l’hémicycle.
La scène se déroule ce jeudi 23 janvier. Le leader d’extrême droite évoque alors la présidence de Donald Trump et la manière dont doit, selon lui, réagir l’UE. Mais, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article, il n’a pas le temps de finir ses propos que la présidente de séance, Sabine Verheyen (démocrates-chrétiens) l’éconduit en expliquant que le fondement de sa prise de parole, à savoir le recours à l’article 133 du Parlement européen, n’est pas valable. Malgré son insistance - « il me reste 30 secondes je vais finir si vous permettez » -, impossible d’aller plus loin.
L’entourage de Bardella dénonce « une censure »
Interrogé par Le HuffPost, l’entourage de l’eurodéputé RN explique qu’il voulait réagir à des déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, tenues depuis Davos, et réclamer l’abrogation du Green Deal comme mesure de défense face à la guerre commerciale annoncée par Donald Trump. Une véritable obsession pour Jordan Bardella. Mardi, il avait d’ailleurs fait - et cette fois jusqu’au bout - une longue déclaration, toujours en plénière, pour viser le pacte vert, porteur selon lui d’« une politique de décroissance industrielle et agricole nous conduisant tout droit vers la ruine ».
L’entourage de Jordan Bardella en est convaincu : il a subi une « censure » et un « traitement défavorable » de la part de Sabine Verheyen. « L’attitude de la présidente de séance a été scandaleuse. On n’a jamais vu un président de groupe se faire couper la parole comme ça. Les autres ont des interventions très libres, parfois même au-delà d’une minute », déplore son équipe, qui estime qu’un eurodéputé allié a subi peu après la même censure lors de cette même séance.
Et de brandir pour preuve de cette « censure », la prise de parole, la veille, d’un élu de gauche portugais, Joao Oliveira « sur la base du même article 133 », pour tancer la politique de Benjamin Netanyahu en Cisjordanie. Dans une lettre publique courroucée et adressée à la présidente du Parlement, Roberta Metsola, ce vendredi, Jordan Bardella dénonce un « grave incident » et peste contre « une différence flagrance de traitement » entre son groupe et les autres.
🚨 Cette semaine, un grave incident s’est déroulé au sein même de l’hémicycle du Parlement européen.
Alors que la gauche a pu librement s’exprimer sur la situation à Gaza, sur le fondement d’un banal rappel au règlement, une eurodéputée allemande proche d’Ursula von der Leyen… pic.twitter.com/ZwBVtkRvSN— Jordan Bardella (@J_Bardella) January 24, 2025
Or, que dit l’article 133 précisément ? Dans sa version disponible en ligne, le règlement intérieur stipule que les eurodéputés peuvent demander, en une minute donc, des explications à la Commission sur des décisions ou des déclarations. Mais les propos d’Ursula von der Leyen prononcés en Suisse peuvent-ils entrer dans ce cadre ?
Un règlement intérieur précis
Également contactés, les services du Parlement européen estiment que la règle est très claire, et que l’article en question porte uniquement sur des décisions prises au sein des instances, ou de déclarations faites en son sein, et non sur des propos tenus à l’extérieur. C’est d’ailleurs exactement l’argumentaire qu’oppose Sabine Verheyen à Jordan Bardella. « Une vision étriquée du règlement intérieur, réplique-t-on dans l’entourage de l’eurodéputé. Ces rappels sont aussi des outils politiques pour les groupes d’opposition, c’est une manière de faire vivre le débat européen ».
L’instance européenne, qui rappelle que d’autres moyens sont possibles pour proposer un débat ou une question, insiste, elle, sur les vérifications qui sont faites en amont des prises de parole du genre. Et qu’un membre du service de la plénière accompagne par ailleurs toujours chaque présidence. Bien qu’il puisse donc y avoir parfois des nuances dans l’appréciation, les consignes sont claires et constantes, assure l’institution.
Interrogé sur un éventuel deux poids deux mesures avec la prise de parole de l’élu portugais mercredi, le Parlement renvoie notamment à l’article 195 du règlement intérieur qui stipule que « les demandes de parole pour un rappel au règlement intérieur doivent porter sur le point de l’ordre du jour en discussion ». Ce qui n’était pas le cas de l’intervention du président du RN. Par ailleurs, l’argument invoqué par l’entourage de Jordan Bardella -à savoir celui d’un traitement partial- se heurte à un écueil de taille. Voire gênant.
Après réécoute du contre-exemple donné par son entourage, on se rend compte en réalité que l’eurodéputé portugais se réfère à l’article 123 (« cento e vinte e três ») relatif à la violation des droits de l’homme, et non au 133 comme le traduit par erreur le doublage audio en français. Ce que montrent bien en revanche le compte rendu écrit tout comme le doublage en anglais de la séance. Quand ça veut pas...
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