« Joker : Folie à deux » avec Joaquin Phoenix et Lady Gaga tente le mélange des genres, mais fait fausse route
CINÉMA - Todd Philipps a-t-il eu la folie des grandeurs ? Joker : Folie à deux, présenté pour la première fois à la Mostra de Venise 2024, sort en salle ce mercredi 2 octobre. On y retrouve un Joaquin Phoenix toujours aussi physiquement dévoué au rôle d’Arthur Fleck, ajoutant même une corde (vocale) à son arc, étant cette fois-ci accompagné par une Harley Quinn version Lady Gaga. Le long-métrage mixe thriller et comédie musicale, sans jamais réellement trouver sa voie.
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Cinq ans après le premier Joker, film multirécompensé et véritable carton au box-office mondial, le réalisateur propose une suite très (trop ?) chantante. Dans Joker : Folie à deux, on découvre le sort d’Arthur Fleck peu après les événements du premier volet et son internement à Arkham.
Dans la partie carcérale de l’asile, le meurtrier taciturne passe plus de temps à fumer qu’à s’exprimer. Dans l’attente de son procès, il noue des relations particulières avec la bande de matons menée par Brendan Gleeson, qui alterne les moqueries affectueuses et les comportements tyranniques envers les pensionnaires incarcérés. Le clown tueur ultra-médiatisé trouve aide et conseils auprès de son avocate Maryanne Stewart (Catherine Keener), qui essaie tant bien que mal de faire ressortir l’humanité de son client.
Tout bascule suite à son coup de foudre pour la prisonnière Harleen « Lee » Quinzel, qui le pousse à endosser pleinement le costume du Joker. C’est à son contact qu’il retrouve réellement sa voix et commence même à chanter.
Car oui, la musique est encore plus partie prenante que dans le premier volet, qui s’était déjà fait remarquer par des références appuyées aux comédies musicales et une superbe bande-son, menée par Hildur Guðnadóttir et récompensée de l’Oscar de la meilleure musique de film en 2019. Après un hommage aux Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, le duo formé par Joaquin Phoenix et Lady Gaga va enchaîner les saynètes chantées. Mais leur mise en scène colorée et réglée comme du papier à musique se heurte au reste de la réalisation austère et plus intimiste des autres scènes. Résultat : la partition finale a bien du mal à nous convaincre.
Un mélange des genres qui fait fausse note
« Lee » s’éloigne de l’habituelle relation à sens unique entretenue avec le Joker en étant plus accro au symbole qu’à l’homme qui l’incarne. Une bonne idée en apparence, mais qui rend difficile l’attachement pour son personnage. D’autant plus qu’une fois passée son introduction, Harley Quinn s’efface derrière Lady Gaga, mettant plus en valeur son talent de chanteuse que celui d’actrice. Même refrain du côté de son partenaire Joaquin Phoenix, qui gagne en claquettes et en interprétation vocale ce que le Joker perd en ambiguïté morale, rangé derrière son image d’amoureux transi.
Les deux protagonistes échangent majoritairement en chansons. Le choix des reprises utilisées reste plutôt irréprochable, le film piochant dans les classiques de la musique populaire de Tom Jones à Frank Sinistra en passant par Judy Garland ou Stevie Wonders. Mais on peut regretter le manque de compositions originales lors de ces moments fort de l’intrigue.
Joker : Folie à deux ne coche pas non plus les cases du film procès. On peut par exemple trouver dommage que Todd Phillips n’exploite pas plus le personnage d’Harvey Dent. Le procureur mythique des comics se révèle insipide, pas tant à cause de la prestation d’Harry Lawtey que part le réquisitoire peu marquant qui lui est accordé. Et de l’autre côté de la barre, le Joker multiplie les plaidoiries kitsch sans arriver à vraiment nous extirper un sourire. Le clown ne laisse entrevoir Arthur Fleck que trop rarement. Des scènes trop rares pour en faire un « procès du siècle ».
Un baisser de rideau pour Todd Phillips ?
Dans un dernier acte qui se veut plus sincère, Joaquin Phoenix arrive cependant à nous toucher. On retrouve partiellement la performance de l’acteur qui lui a valu tant de récompenses dont l’Oscar du meilleur acteur en 2019, Mais c’est malheureusement trop tard pour retrouver (aussi) le fil du récit.
Le réalisateur de la trilogie Very Bad Trip avait bénéficié d’un très bon accueil critique pour son premier Joker. En jouant la carte du drame psychologique, il avait pris le contre-pied des films d’action que sont habituellement les origin stories des personnages de comics au cinéma, jusqu’à décrocher le Lion d’or à la Mostra de Venise 2019. Ses prix et nominations aux cérémonies de récompenses comme les Oscars ou les Golden Globes avaient poussé la production d’une suite au projet qui se voulait initialement être une histoire autonome.
Dans un geste maladroit, le réalisateur essaie de déconstruire le mythe qu’il a lui-même créé pour mieux humaniser son personnage. La fin de Joker : Folie à deux laisse quant à elle en suspens l’héritage de Todd Philipps, qui a annoncé dans un entretien avec Variety avoir « dit ce qu’il avait à dire » avec le méchant de DC Comics, et c’est peut-être mieux ainsi.
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