Jihadistes et rebelles, offensive éclair... Ce que l'on sait de la prise de "la majeure partie" d'Alep en Syrie

À l'issue de trois jours d'offensive contre les forces armées de Bachar al-Assad, des forces jihadistes et rebelles syriennes ont pris ce samedi 30 novembre le contrôle de la "majeure partie" d'Alep, deuxième ville la plus peuplée de Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie.

Cette attaque a fait trembler tout le nord-est de la Syrie, qui n'avait pas connu des assauts d'une telle intensité depuis au moins quatre ans, après avoir été au coeur des combats à de nombreuses reprises depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011.

• Une coalition de jihadistes et de rebelles

Mercredi, les jihadistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), alliance dominée par l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, et des rebelles, notamment des restes de l'Armée syrienne libre, soutenus par la Turquie ont attaqué des territoires du régime dans la province d'Alep et dans la région voisine d'Idleb (nord-ouest).

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Sur des images diffusées par les combattants, on les voit revêtant des insignes de l'État islamique aux côtés d'autres qui porte des symboles de cette Armée syrienne libre rebelle et des opposants nationalistes au régime de Bachar al-Assad depuis le début de la guerre.

Trois jours seulement auront suffi pour conquérir des dizaines de villages et surtout la "majeure partie" des quartiers d'Alep, des bâtiments gouvernementaux et des prisons, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Les combats ont fait plus de 300 morts, principalement des combattants - dont une centaine des forces gouvernementales et leurs alliés - mais aussi 28 civils, selon l'OSDH.

L'opération était préparée depuis plusieurs mois assure Dareen Khalifa, experte de l'International Crisis Group. "Elle a été présentée comme une campagne défensive face à une escalade du régime", souligne Dareen Khalifa, en allusion à de précédents bombardements intensifs de l'armée syrienne et son allié russe, contre des zones rebelles du nord-ouest.

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Après plus d'une décennie d'une guerre ayant morcelé la Syrie, les belligérants sont toujours soutenus par différentes puissances régionales et internationales aux intérêts divergents.

· Les rebelles ont pris le contrôle de l'aéroport d'Alep

Les factions rebelles ont pris le contrôle de l'aéroport d'Alep, situé dans la banlieue sud-est de la ville, ce samedi. L'événement a eu lieu après que les forces gouvernementales se sont "retirées", a déclaré l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Au cours de la journée de samedi, l'ONG a ajouté que les rebelles avaient également progressé dans les provinces d'Idleb et Hamas, prenant le contrôle de "dizaines de localités stratégiques sans aucune résistance".

Les alliés de la Syrie perçus comme affaiblis

La Russie et la Turquie ont évoqué samedi "l'évolution dangereuse de la situation" en Syrie. Par le passé, Damas a pu compter sur le soutien de l'aviation russe et sur les forces du Hezbollah libanais - absorbées, elles, ces deux derniers mois par leur guerre ouverte contre Israël.

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HTS et ses alliés "observent également le changement régional et géostratégique". Leur offensive a été lancée le jour même où une trêve entrait en vigueur au Liban entre l'armée israélienne et le Hezbollah - un allié du régime syrien et de Téhéran.

"Ils pensent que maintenant les Iraniens sont affaiblis et le régime acculé", indique Dareen Khalifa.

Ces derniers mois, en parallèle de la guerre au Liban, Israël a mené plusieurs frappes en territoire syrien, disant vouloir neutraliser le Hezbollah en ciblant ses transferts d'armes coordonnés avec Téhéran et les forces syriennes.

De son côté Russie est en pleine guerre en Ukraine. "La présence russe s'est considérablement réduite" dans la région, explique par ailleurs l'analyste Aaron Stein, président du think thank américain Foreign Policy Research Institute.

Un tournant dans la guerre civile?

L'offensive constitue indéniablement un coup dur pour Damas. La perte des quartiers d'Alep est d'autant plus symbolique qu'en 2016, la reconquête par le régime de tous les secteurs rebelles de la métropole constituait une victoire essentielle pour Bachar al-Assad et ses alliés.

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Cette bataille d'Alep représentait alors un tournant dans la guerre syrienne. Elle avait été marquée par une forte intervention de l'aviation russe, engagée dès 2015 en Syrie pour remettre en selle le régime affaibli.

"Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise", estime Dareen Khalifa.

Les rebelles ont coupé la stratégique autoroute M5 reliant Damas à Alep, et un noeud routier assurant la connexion à Lattaquié. Malgré des combats confirmés par l'armée syrienne, jihadistes et rebelles ont progressé sans être confrontés à "aucune résistance significative" assure Rami Abdel Rahmane, qui dirige l'OSDH.

Vendredi, le Kremlin a appelé les autorités syriennes à "mettre de l'ordre au plus vite" à Alep. Téhéran a dénoncé un complot fomenté par les États-Unis et Israël.

L'offensive intervient à un moment diplomatique délicat: depuis des années un potentiel rapprochement entre Damas et Ankara piétine. Moscou et l'Iran plaident pour une détente, mais Damas réclame un retrait des troupes turques déployées dans le nord syrien le long de la frontière.

Pour Caroline Rose, de l'Institut Newlines basé à Washington, la réaction mesurée des alliés de Damas pourrait bien être "une manière de forcer le régime à négocier d'une position plus faible, en l'absence de tout signe de soutien des Russes et des Iraniens", estime-t-elle sur le réseau social X.

La Turquie, qui soutient des rebelles du nord syrien, a elle réclamé la fin des "attaques" du régime contre l'enclave d'Idleb. "Dans les prochains jours, si (les rebelles) parviennent à garder leurs gains (territoriaux), ce sera un test révélateur de l'étendue de l'engagement turc", indique Dareen Khalifa.

Article original publié sur BFMTV.com