Aux Jeux olympiques de 1948, Fanny Blankers-Koen bousculait les mentalités sur le sport féminin

JEUX OLYMPIQUES - Retracer la très vaste histoire des Jeux olympiques en un seul film de 110 minutes: c’est le défi que se sont lancés Jean-Christophe Rosé et Benoît Heimermann avec “L’Odyssée des Jeux olympiques”, diffusé ce mercredi 21 juillet sur France 3 à 21h05 et dont Le HuffPost est partenaire. Raconté par l’acteur Philippe Torreton, le documentaire, rythmé par des images d’archives bluffantes de qualité, fait une rétrospective de l’ensemble des Olympiades à travers les exploits de ses sportifs les plus iconiques. Des performances dont l’impact dépasse largement la seule sphère du sport.

L’Afro-américain Jesse Owens face à Hitler en 1936, le bain de sang de Melbourne en 1956 entre Hongrois et Soviétiques, la médaille d’or symbole de l’Éthiopien Abebe Bikila à Rome en 1960, les poing levés du “Black Power” de Tommie Smith et John Carlos face à la ségrégation raciale en 1968 ou encore la série de boycotts en pleine guerre froide: chaque édition fait écho à sa façon à l’histoire. C’est donc aussi le cas des JO 1948 de Londres, les premiers de l’après-guerre, qui ont révélé aux yeux du monde une certaine Fanny Blankers-Koen.

Fanny Blankers-Koen au premier plan lors du 80 m haies aux JO 1948 à Londres.  (Photo: Hulton Deutsch via Getty Images)
Fanny Blankers-Koen au premier plan lors du 80 m haies aux JO 1948 à Londres. (Photo: Hulton Deutsch via Getty Images)

L’athlète néerlandaise, mère de famille âgée de 30 ans à l’époque, a durablement marqué l’évènement de son empreinte. Et pourtant, tout n’était pas rose au départ, bien au contraire. Raillée et moquée à cause de son âge, elle a même été décrite par certains comme une “mère indigne”, exhortée à rentrer chez elle pour s’occuper de ses enfants. Difficile donc de tirer son épingle du jeu dans cette atmosphère sexiste et misogyne, influencée par Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux olympiques et “hostile à la participation des femmes” depuis leur création.

Fanny Blankers-Koen a cependant très vite fait taire tous ses détracteurs: huit jours de compétition, onze courses remportées et quatre médailles d’or à la clé, un exploit colossal et surtout unique pour une athlète. Le 100 m, le 200 m, le 80 m haies et le relais 4x100 m, une razzia qui aurait même dû être plus impressionnante si la Néerlandaise avait été autorisée à disputer le saut en longueur et le saut en hauteur. Cette dernière était en effet détentrice du record du monde de ces deux disciplines, mais les femmes ne pouvaient pas participer à plus de trois épreuves individuelles en une seule et même Olympiade.

Les JO 1948, “une émancipation des femmes”

Une mère de deux enfants, la trentaine, aussi dominatrice? Le symbole est grandiose. “Elle est la première grande championne des Jeux olympiques modernes”, explique Jean-Christophe Rosé au HuffPost. “On peut dire qu’elle a été la pionnière de ces sportives qui pouvaient être aussi connues et prestigieuses qu’un homme”. Et pour le comprendre, il suffit juste de regarder les images de célébrations aux Pays-Bas à son retour de Londres, semblables à celles d’une fête nationale. Sa folle épopée a fait d’elle une véritable icône, surnommée la “ménagère volante”.

Un exceptionnel destin qui s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans le contexte de l’époque à Londres, ville hôte de ces JO. Si l’importance des femmes dans la société était grandissante depuis déjà quelques décennies, car “les Anglais étaient en avance sur leur temps concernant les mouvements féminins (avec les suffragettes notamment, militantes déterminantes dans l’attribution du droit de vote aux femmes britanniques)”, selon Jean-Christophe Rosé, elle est devenue déterminante au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Pour l’auteur-réalisateur, ces JO 1948 ont donc marqué “leur émancipation”, prouvant “qu’ils sont le parfait miroir de la société dans laquelle ils se déroulent”.

Fanny Blankers-Koen après sa victoire lors du 200 m lors des mêmes JO 1948 à Londres. (Photo: Bettmann via Getty Images)
Fanny Blankers-Koen après sa victoire lors du 200 m lors des mêmes JO 1948 à Londres. (Photo: Bettmann via Getty Images)

Fanny Blankers-Koen n’a pas été la seule athlète féminine à avoir brillé lors de cette édition londonienne. La Française Micheline Ostermeyer, lanceuse de poids et de disque, mais également pianiste en parallèle, y avait glané deux médailles d’or dans ses disciplines fétiches. Celle qui fêtait ses victoires au piano est aussi mentionnée dans “L’Odyssée des Jeux olympiques”.

Cependant, c’est un fait, les performances marquantes des femmes dans l’histoire des JO et même du sport restent encore dans l’ombre de celles des hommes. “Le sport, basé sur une performance physique ‘plus haut plus vite plus fort’, renvoie au sexe masculin. C’est un phénomène historique et social”, constate Jean-Christophe Rosé. Et de conclure: “C’est un très long processus, mais les femmes ne cessent de prendre de plus en plus d’importance”.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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