Jean-Pierre Raffarin, ombres chinoises

Il est un des seuls politiques à connaître « l’âme de la Chine »… à défaut d’en parler la langue. « Raffarin le Chinois », comme certains l’appellent au Quai d’Orsay, assure qu’il a l’amour lucide et qu’il ne roule que pour la France. Au point de s’autoriser aujourd’hui quelques critiques sur le régime de son ami Xi Jinping…

Il faut le pousser un peu pour qu’il se souvienne : « Des amis chinois m’ont parlé de familles entières décimées à Wuhan vers la mi-janvier… » Les lèvres peinent à se desserrer, comme si ça faisait mal. Jean-Pierre Raffarin se cale au fond du canapé, dans le bureau de sa fondation parisienne, sise dans un bel immeuble proche de la tour Eiffel. Il prend le temps, costume soyeux, chaussettes bleu roi, et ce visage inchangé avec ses airs matois, ses angles à la Ventura. « J’ai pressenti le drame », souffle-t-il. A l’époque, pourtant, il n’a rien dit. Ceux qui, sur les ondes, dans ses conférences, l’interrogeaient n’avaient droit qu’à des généralités sereines ; Pékin gérait bien l’épidémie. Puis, quand elle a embrasé la France, Raffarin a disparu des radars. Il s’est tu, lui l’incorrigible sinophile, devenu en quinze ans VRP et diplomate, relais du patronat tricolore et de la nomenklatura pékinoise, camarade du puissant Xi Jinping et conseiller des présidents français. « Raffarin le Chinois », comme on l’appelle au Quai d’Orsay avec un mélange de jalousie et de défiance, aurait-il eu quelques états d’âme ?

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«Aucunement », se crispe-t-il. Le soleil de mai éclaire son bureau empli de livres, d’estampes et de photos de lui – avec son épouse, avec Chirac, avec Macron dans un Falcon en vol vers Shanghai. Raffarin ne tient pas à commenter : « Vous allez me présenter comme un agent de Pékin. La réalité est complexe ; je suis en permanence sur une ligne de crête… » On lui dit vouloir simplement comprendre son rôle, sa vision de la Chine, ce pays dont il fit la conquête au temps d’un autre coronavirus.

C’était en mars 2003. Il était Premier ministre(...)


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