Jean-Marc Ayrault sacrifié sur l'autel de la réalité électorale

Affaibli par une impopularité record, un chômage obstinément orienté à la hausse et les "couacs" à répétition d'une équipe indisciplinée, Jean-Marc Ayrault fait les frais de la déroute électorale du camp socialiste aux élections municipales. /Photo prise le 26 mars 2014/REUTERS/Charles Platiau

PARIS (Reuters) - Affaibli par une impopularité record, un chômage obstinément orienté à la hausse et les "couacs" à répétition d'une équipe indisciplinée, Jean-Marc Ayrault fait les frais de la déroute électorale du camp socialiste aux élections municipales. "Démissionné" après 22 mois de service, ce fidèle de François Hollande laisse les rênes de Matignon à Manuel Valls, au style et aux ambitions diamétralement opposés aux siens. L'ancien maire de Nantes a bataillé jusqu'au bout, affirmant sa détermination à mettre en oeuvre le "pacte de responsabilité" voulu par François Hollande pour donner un nouveau souffle à un quinquennat mal engagé. Dimanche soir à la télévision, le chef du gouvernement a dit prendre "toute (s)a part" de responsabilité dans l'échec électoral du PS, tout en rappelant sa "passion" au service du pays. Mais il a échoué à sauver son poste malgré son désintéressement politique et sa combativité affichés face à la crise, affirmant même avoir voulu, dès l'été 2012, être plus franc que l'Elysée sur la réalité économique de la France. "A l'époque, j'ai voulu clairement faire état de la situation du pays, mais on m'a expliqué qu'il ne fallait pas décourager", confie-t-il dans Le Monde daté du 1er avril. Déjà menacé en novembre, il avait réussi à sauver son poste in extremis, au détriment de Manuel Valls, en lançant une remise à plat de la fiscalité. C'est paradoxalement la ministre du Logement, l'écologiste Cécile Duflot, opposante farouche à son projet d'installer un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, qui fut l'un de ses derniers soutiens. Pour cette dernière, choisir Manuel Valls n'est pas la bonne réponse à l'inquiétude exprimée par le pays. CONVICTIONS ET RETENUE Avec le départ de Jean-Marc Ayrault, François Hollande perd l'un de ses plus fidèles soutiens. L'homme pourrait retrouver son siège de député mais son futur rôle au sein de la majorité reste à définir. La modération politique, les convictions européennes mâtinées de germanophilie de ce fils d'ouvrier avaient été déterminantes dans le choix présidentiel de le nommer à Matignon. A la tête d'une équipe aussi inexpérimentée que turbulente, peu à l'aise à l'oral, Jean-Marc Ayrault a dû souvent faire face à un procès en autorité. Malgré sa retenue apparente, il a croisé le fer avec certains ministres comme Arnaud Montebourg, à qui il a refusé la nationalisation des hauts-fourneaux de Florange. Lors de ses voeux à la presse en janvier, celui qui présida longtemps le groupe socialiste à l'Assemblée nationale se proclamait "social-démocrate depuis longtemps", s'inscrivant dans les pas du chef de l'Etat et sa politique de l'offre. Il répondait au "Ayrault bashing" par une indifférence en apparence sereine aux critiques alimentant les rumeurs de remaniement ministériel. Agé de 64 ans, marié et père de deux filles, Jean-Marc Ayrault a été maire de Nantes à partir de 1989 et président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale à compter de 1997. Comme François Hollande, il n'avait jamais occupé de poste gouvernemental avant Matignon. Sa parfaite maîtrise de la langue allemande lui a été utile, notamment lors de nombreux voyages outre-Rhin où il l'a jamais boudé son plaisir. FILS D'OUVRIER Ce fils d'un ouvrier du textile devenu entrepreneur a enseigné l'allemand au lycée jusqu'à sa première élection à l'Assemblée en 1986 et il ne sort pas des pépinières traditionnelles de dirigeants français comme l'Ena. Ses liens avec les autres partis socialistes européens, notamment le SPD allemand, lui ont valu dans l'équipe de campagne de François Hollande la place de conseiller spécial chargé de ces liens internationaux. Disciple de Michel Rocard et Jacques Delors, il a soutenu la candidature de François Hollande à la primaire socialiste à partir de juillet 2011, lorsque peu croyaient à ses chances. La lutte des classes n'a jamais été la tasse de thé de ce natif de Maulévrier (Maine-et-Loire) qui a commencé son militantisme à l'adolescence au Mouvement rural de jeunesse chrétienne, puis à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) avant d'adhérer à 21 ans au Parti socialiste, en 1971. Un premier mandat de conseiller général à 26 ans, puis des victoires par surprise à l'élection municipale de Saint-Herblain à 27 ans en 1977 puis à Nantes en 1989, à 39 ans, lancent une carrière d'élu local dont la réussite est incontestée. Il a été élu dès le premier tour en 1989, 1995, 2001 et 2008 à Nantes, qui, avec 50.000 habitants gagnés depuis 1990, est devenue la principale métropole du Grand Ouest, et a connu un fort développement économique et culturel. Dans son sillage, la trentenaire Johanna Rolland a été élue dimanche à la mairie de la ville avec 56,21% des voix. (Elizabeth Pineau et Julien Ponthus, édité par Yves Clarisse)