Jean Malaurie, voyageur dans l'âme des Inuits

Disparu en février dernier à l'âge de 101 ans, l'ethnologue s'était imprégné du rapport spirituel à la nature qui caractérise le nord-ouest du Groenland. Son livre "Les Derniers Rois de Thulé" a inauguré la collection "Terre humaine" qu'il a fondée, et qui donne depuis 1955 la parole à ceux qui ne l'ont pas.

Cet article est issu du magazine Les Dossiers de Sciences et Avenir n°218 daté juillet/ septembre 2024.

Quitte à déplaire, il déclarait qu'on peut étudier sur un pied d'égalité la culture des Inuits et celle de la Grèce antique. L'anthropologue Jean Malaurie avait tout d'un anticonformiste à qui l'aventure ne fait pas peur. Au point de partager, pour mieux les connaître, la vie des populations indigènes du nord-ouest du Groenland, dans des conditions de dénuement extrêmes.

Il est vrai que le jeune homme de bonne famille, né en Allemagne en 1922, a très vite été aimanté par le Grand Nord. Normalien, il entreprend après guerre des études de géomorphologie. Raison pour laquelle il s'engage en 1948 dans deux expéditions polaires dirigées par une autre personnalité destinée à la célébrité : Paul-Émile Victor. Les rapports sont d'emblée difficiles. "Malaurie est un étudiant brillant. Il ne veut pas rester cantonné à faire du terrassement dans l'expédition de Paul-Émile Victor, qu'il considère davantage comme un bateleur que comme un scientifique. En privé, leurs échanges sont très durs, même s'ils restent courtois en public. Ce sont deux monstres sacrés de l'exploration, avec des egos importants", résume Stéphane Dugast, lui-même explorateur et biographe de Paul-Émile Victor.

Très vite, Jean Malaurie, fasciné par les populations rencontrées sur place, décide de se lancer seul. En 1951, il obtient du gouvernement danois l'autorisation de rendre visite aux Inuits de la région de Thulé, destination mythifiée de longue date par les Occidentaux, en réalité Uummannaq, un des plus anciens sites inuits. Il débarque dans une société en pleine transformation : les échanges commerciaux, l'évangélisation, la scolarisation ont entraîné des bouleversements culturels.

Une vie spirituelle connectée à la nature et à l'invisible

Un an durant, il va partager la vie des Inuits, dans un milieu extrême, avec pour seul moyen de subsistance la chasse : au phoque, au morse, à l'ours... "Les deux [...]

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