Publicité

Jean Castex, un Premier ministre sous tutelle?

Jean Castex.  - Thomas COEX
Jean Castex. - Thomas COEX

Le soupçon autour d'un Premier ministre supposé fantoche, entièrement à la main du chef de l'Etat est vieille comme la Ve République, elle-même suspectée de présenter une version abâtardie de l'ancien président du Conseil en la personne du chef du gouvernement en même temps qu'une mouture hypertrophiée du président. Aussi, l'idée d'un Premier ministre simple "exécutant", ou "collaborateur" vaguement méprisable, n'a pas attendu Jean Castex, la suite de l'histoire détrompant parfois les partisans de cette théorie.

Reprise en main du gouvernement

Pour ne prendre que quelques exemples, le profil plus technique du banquier Georges Pompidou lui-même a pu semer le trouble au moment de remplacer Michel Debré, père de la constitution; Pierre Messmer était certes un valeureux héros de la France libre, mais force était de constater qu'il n'amenait pas à Matignon le poids politique que Jacques Chaban-Delmas venait d'emporter avec lui; Raymond Barre, qualifié par Valéry Giscard d'Estaing de "meilleur économiste de France", semblait surtout une promesse de tranquillité à un président de la République enfin délesté de Jacques Chirac; le jeune Laurent Fabius avait, sur le papier, du mal à faire pièce à Pierre Mauroy. La situation de Jean Castex est cependant bien différente de celles de ses prédécesseurs.

Le maire de Prades, dans les Pyrénées-Orientales, n'apparaît pas seulement dénué d'un passé de responsabilités nationales importantes, mais entièrement cornaqué par le sommet de l'Etat. Certes bien introduit au sein de la droite - il fut tout de même secrétaire général adjoint de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy - Jean Castex n'aurait pas à lui seul les ressources pour mettre sur pied le gouvernement de "rassemblement" que le président de la République appelle de ses voeux, conformément à son habitude de débaucher des flâneurs des deux rives. Aussi, l'équipe nouvelle s'annonce comme la créature du seul "Château", selon l'analyse sur notre plateau de notre éditorialiste politique Christophe Barbier ce matin:

L'Elysée reprend la main et à plusieurs niveaux. D’abord à un niveau institutionnel, c’est la constitution, le président domine le Premier ministre, et on le voit dans l’article 8: 'Sur la proposition du Premier ministre, le président de la République nomme les membres du gouvernement'. Là, on sent qu'Emmanuel Macron prend encore plus à cœur l'idée de composer une équipe qui doit être la sienne. (...) Ce gouvernement de mission et de rassemblement, nous dit le président de la République, sa mission est de redresser la France et de faire gagner le président en 2022. Et le rassemblement, c’est la suite du 'Et en même temps', on va prendre à gauche, et à droite pour bien montrer que Macron casse encore le paysage politique."

Cabinet couleur Macron

Jean Castex ne sera donc pas l'artisan de son propre gouvernement. Et il n'est pas tellement maître chez lui non plus. L'ordinaire de sa maison se règle là encore au-dessus de sa tête. Son directeur de cabinet s'appelle Nicolas Revel, un haut-fonctionnaire qui fut secrétaire général adjoint de l'Elysée sous François Hollande tout comme Emmanuel Macron avec lequel il entretient les meilleures relations du monde. Celui-ci avait d'ailleurs voulu l'imposer à Edouard Philippe mais celui-ci avait tenu bon. Quant à son chef de cabinet, il s'agit de Mathias Ott, actuellement conseiller d'Emmanuel Macron dédié à la question des territoires.

Le discours, c'est pour après

Bien sûr, c'est avant tout dans le contenu de la politique qu'il compte mener, la conduite qu'il veut fixer à son gouvernement, les arbitrages décrochés que Jean Castex montrera s'il a, ou non, la stature. Mais sa marge de manœuvre s'avère bien faible sous ce rapport également. Vendredi soir, sur TF1, il déclarait qu'il prononcerait son discours de politique générale "en milieu de semaine prochaine". C'était oublier un peu vite que son patron se réservait la part du lion. Dimanche, l'entourage d'Emmanuel Macron a signalé que celui-ci s'exprimerait le 14-Juillet, "sans doute dans le cadre d'un entretien télévisé", et cette intervention décale d'autant la soutenance du chef du gouvernement devant les parlementaires. Son discours est en effet reculé à la semaine suivante.

C’est le président de la République qui va donner le cadre, la direction, la feuille de route. Et le Premier ministre expliquera le lendemain et le surlendemain le mode d’emploi", a posé en commentaire Christophe Barbier. "Les tweets envoyés par le président de la République dimanche après-midi sont éloquents: 'Un nouveau chemin doit être dessiné', dit-il. Ça veut dire que le discours de politique générale du Premier ministre est en train de se forger dans un cadre élyséen", a-t-il encore ajouté.

Jean Castex doit désormais trouver sa place. Visiblement, on lui demande surtout de ne pas trop en prendre.

Article original publié sur BFMTV.com