"Je t'aime moi non plus" : entre François Bayrou et Emmanuel Macron, une relation faite de hauts et de bas
Depuis leur rencontre en 2016 et leur alliance en 2017, François Bayrou et Emmanuel Macron entretiennent une relation complexe. Avec des coups d'éclats retentissants pour le nouveau Premier ministre et le président de la République.
Une relation à l'image de cette matinée riche en rebondissements. La nomination de François Bayrou à Matignon ce vendredi marque un nouvel épisode mémorable dans la relation entre le président de la République et son désormais nouveau Premier ministre.
Car entre François Bayrou, président du MoDem et candidat aux présidentielles 2002, 2007 et 2012, et Emmanuel Macron, les rapports ont souvent été compliqués. Les deux hommes s’apprivoisent difficilement lors de leur première rencontre, à l’été 2016, en pleine étape du Tour de France cycliste.
Le rendez-vous est à Pau, où passe la Grande Boucle, et alors que François Bayrou s’apprête à soutenir Alain Juppé dans le cadre de la primaire de la droite. Emmanuel Macron est encore ministre de l’Économie de François Hollande, mais a déjà ses ambitions nationales bien en tête.
Bayrou dénonçait une tentative des "grands intérêts financiers" derrière la candidature Macron
Deux mois plus tard sur BFMTV, François Bayrou cingle le projet Macron : "Je suis absolument sceptique sur cette affaire, et quand je dis sceptique, c’est le mot le plus modéré que je puisse choisir", lançait-il à propos de la candidature d' Emmanuel Macron.
"Ça ne marchera pas, parce que les Français vont voir ce que cette démarche signifie, ce qu’il y a derrière tout ça, derrière cet hologramme (...) il y a là une tentative qui a déjà été faite plusieurs fois par plusieurs grands intérêts financiers et autres, qui ne se contentent pas d'avoir le pouvoir économique, mais qui veulent avoir le pouvoir politique", lançait-t-il à l'époque à Jean-Jacques Bourdin.
François Bayrou pourrait devenir Premier Ministre : merci de ne pas trop partager cette vidéo où il parlait d’Emmanuel Macron. pic.twitter.com/3KkJfHL5by
— Christophe Bex (@ChristopheBex) December 11, 2024
Pour Bayrou, le projet de Macron est "infiniment proche de celui de Sarkozy"
"Le projet de société qui est celui d’Emmanuel Macron (...), on le connaît bien, il est au fond infiniment proche de celui que Nicolas Sarkozy défendait en 2007", poursuivait-il, le 11 septembre 2016 sur France Inter soulignant s’être "affronté avec Nicolas Sarkozy en particulier sur les inégalités croissantes, la justification sur les milliardaires". Difficile, alors, d’imaginer un rapprochement entre les deux hommes tant le fossé qui les sépare semble énorme.
Pourtant, un an plus tard, alors qu’Alain Juppé a été battu à la primaire de la droite par François Fillon, le 22 février 2017, François Bayrou annonce lors d’une conférence de presse au siège de son parti proposer une alliance à Emmanuel Macron, qu'il justifie par le "risque" que court la France. "Unissons nos forces", lance-t-il, rappelle Le Monde.
Lune de miel et premier accroc après la présidentielle de 2017
"Jamais dans les 50 dernières années, la démocratie en France n’a connu une situation aussi décomposée. Cette situation nourrit le pire des risques, une flambée de l’extrême droite qui fait planer la menace d’un danger immédiat pour notre pays et pour l’Europe. Parce que le risque est immense, parce que les Français sont désorientés et souvent désespérés, j’ai décidé de faire à Emmanuel Macron une offre d’alliance. C’est sans doute un geste d’abnégation mais ce sera aussi, je le crois, un geste d’espoir pour notre pays", justifiait-il ce jour-là.
Mais la lune de miel entre les deux hommes connait un premier accroc dès premiers enjeux électoraux : les législatives de 2017, organisées juste après l’élection d'Emmanuel Macron. La presse rapporte alors que la présentation des candidats à la presse est retardée de plusieurs heures en raison d’une énorme colère de François Bayrou, qui découvre que les cadres d’En Marche n’ont pas respecté l’accord qu’il assure avoir avec le président. Alors qu’environ 140 circonscriptions lui avaient été promises il n’hériterait que d'une quarantaine de circonscriptions.
Proche d'en venir aux mains avec le patron d'"En Marche!"
"François Bayrou a failli en venir aux mains avec Richard Ferrand" en pleine cérémonie d'investiture d'Emmanuel Macron, rapporte le Lab d'Europe 1. Finalement, le MoDem obtient 80 circonscriptions, et une quarantaine de candidats sont élus.
À peine nommé Garde des sceaux, François Bayrou est mis au ban du gouvernement en raison de son départ du gouvernement suite à l’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris sur les emplois fictifs des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen. Il sera finalement relaxé faute de preuve, mais le parquet a annoncé faire appel du jugement.
Bayrou s'oppose frontalement à plusieurs projets de Macron
Mais en coulisses François Bayrou continue de peser et de faire entendre ses désaccords avec le chef de l'État : il s’oppose frontalement au président sur la hausse de la CSG et la réforme de l’ISF et le met en garde au début de la crise des Gilets jaunes.
"À un moment, on ne peut pas gouverner contre le peuple et il faut de ce point de vue-là ne pas ajouter des charges aux charges", affirmait-il sur Europe 1 le 30 novembre 2018, à la veille de l'acte II des gilets jaunes. "Il ne peut pas y avoir, en cette première partie du XXIe siècle, de projet politique qui ne soit pas en même temps un projet qui prenne en compte l’attente sociale", ajoutait-il.
Bayrou refuse d'entrer au gouvernement, et dénonce une "rupture"entre la base et les pouvoirs"
En septembre 2022, alors que se dessine une nouvelle réforme des retraites la première ayant été avortée par la crise du Covid, il affirme son opposition "au passage en force", prônant le temps de la concertation pour éviter une colère sociale qui bloquerait le pays, dans Le Parisien.
Début 2024, nouveau clash entre les deux hommes quand François Bayrou refuse d’entrer au gouvernement de Gabriel Attal. Il dénonce une "rupture en France continuelle et de plus en plus grande entre la base et les pouvoirs" et explique que sa décision naît d'un désaccord avec l'exécutif sur "la question d'identification sur ce qui mérite le plus de soin et d'engagement dans le pays".
Réunion tendue ce vendredi matin
Emmanuel Macron tente de jouer l'apaisement devant les journalistes : "C'est mon ami François Bayrou, mon compagnon de route depuis le premier jour", assure le chef de l'État aux journalistes. Ces derniers mois, il pesait encore de toute son influence pour s’opposer aux nominations de Catherine Vautrin et Sébastien Lecornu à Matignon.
La réunion tendue de ce vendredi matin à l'Élysée a un temps fait croire à une rupture définitive entre les deux hommes, mais la nomination de François Bayrou en début d'après-midi devrait permettre d'à nouveau recoller les morceaux. En attendant une nouvelle querelle ?