Publicité

"J'attendais de recevoir une balle": au procès Charlie, les souvenirs de Sigolène Vinson, épargnée par les frères Kouachi

Sigolène Vinson, l'ancienne chroniqueuse judiciaire pour Charlie Hebdo et rescapée de l'attentat, au procès le 8 septembre 2020. - Thomas SAMSON / AFP
Sigolène Vinson, l'ancienne chroniqueuse judiciaire pour Charlie Hebdo et rescapée de l'attentat, au procès le 8 septembre 2020. - Thomas SAMSON / AFP

Sigolène Vinson est celle qui a été épargnée par les frères Kouachi, ce matin de janvier 2015. Cinq ans et demi après les attentats, l'ancienne chroniqueuse judiciaire de Charlie Hebdo s'est éloignée des tribunaux et tente de s'apaiser dans le sud de la France. De retour dans les prétoires, elle a témoigné ce mardi devant la cour d'assises spéciale des derniers instants de ses collègues et amis, lâchement tués par les terroristes.

"J'attendais de recevoir une balle"

"Le 7 janvier 2015, il faisait froid et gris", commence-t-elle à la barre. Le livre Soumission de Michel Houellebecq, la montée des extrémismes, le départ de jeunes Français en Syrie: Sigolène Vinson se souvient des sujets débattus en conférence de rédaction, quelques instants avant que tout bascule. Soudain, "on a entendu les premiers coups de feu. J'ai croisé le regard de Charb et je crois que Charb a compris."

"Franck s'est levé. Il a dit qu'il ne fallait pas qu'on bouge de façon anarchique. Et moi, j'ai bougé de façon anarchique", poursuit-elle, en larmes. L'odeur du sang et de poudre, le bruit des armes, le nuage de fumée... Sigolène Vinson raconte avec précision ces longues minutes d'attaque.

Tandis qu'elle se réfugie au fond de la salle, un profond silence remplit la rédaction. Et puis, des bruits de pas qui s'approchent du muret derrière lequel elle s'est réfugiée. "J'ai lâché dans ma tête, j'attendais de recevoir une balle, j'étais prête à mourir." Le tueur, pourtant, décide de l'épargner.

La culpabilité du survivant

"Il m'a demandé de me calmer. Il m'a dit qu'il m'épargnait parce qu'il ne tue pas les femmes, et que puisqu'il m'épargne, je dois lire le Coran", poursuit-elle d'un rythme soutenu.

Alors que l'assaillant s'éloigne, elle voit le corps de Mustapha Ourrad, le correcteur de Charlie Hebdo. "Son sang était déjà presque noir." Aujourd'hui, l'ancienne chroniqueuse est "certaine" que ses collègues ont compris ce qu'il leur arrivait. "Peut-être qu’ils n’ont pas souffert mais ils ont compris."

Depuis, Sigolène Vinson tente de se reconstruire, souffrant de troubles du sommeil. Elle répond à l'affirmative lorsque le président lui demande si elle souffre toujours de la "culpabilité du survivant". Alors que son père a survécu à un attentat à la bombe dans les années 1980 à Djibouti, elle explique avoir "grandi avec l'idée que les attentats, ça n’arrivait pas forcément qu’aux autres."

Ancienne avocate, la rescapée a mis du temps avant de se constituer partie civile: "Je me considère toujours comme avocate. Et c'est difficile en tant qu'avocate d'être victime", souffle Sigolène Vinson.

"Je crois en l’institution judiciaire, donc j’attends que la justice fasse son travail", a-t-elle enfin affirmé, au cours de cette cinquième et éprouvante journée d'audience.

Article original publié sur BFMTV.com