De "Jappeloup" à "Tempête", pourquoi le cinéma français adore les films de chevaux

Charlie Paulet et Pio Marmaï dans une scène du film
Charlie Paulet et Pio Marmaï dans une scène du film

Jappeloup, Danse avec lui, Poly et maintenant Tempête. Le cinéma français se passionne depuis une quinzaine d'années pour les histoires mêlant résilience et chevaux. Un pari qui s'est toujours soldé par de grandes réussites commerciales. Avec un socle d'un million d'entrées assuré à chaque fois, ces films conçus pour les fêtes de fin d'année sont désormais un rendez-vous pour le public.

Tempête, au cinéma ce mercredi, ne dérogera pas à la règle. Réalisé par Christian Duguay, déjà aux commandes de Jappeloup (2013), ce film suit le destin de la jeune Zoé, qui rêve de devenir jockey. Mais un soir d'orage, Tempête, la pouliche avec laquelle elle s'est liée, la renverse et brise son rêve. Devenue paraplégique, elle va pourtant s’accrocher et tenter l'impossible pour renouer avec son destin.

Pour les amateurs de chevaux, l'histoire de Tempête rappellera celle racontée dans En équilibre (2015), où un cascadeur équestre paraplégique (Albert Dupontel) apprenait à remonter à cheval grâce à une pianiste (Cécile de France). Une histoire similaire à Danse avec lui (2006), où une jeune femme (Mathilde Seigner) réapprenait à vivre et à aimer grâce à la rencontre d'un vieux maître d'équitation et de son cheval.

"Il y a une culture du cheval en France"

Cheval et résilience sont aussi au centre de Ma Bonne étoile (2012), un mélodrame sur la relation qui unit une fillette à sa jument, et de L'Instant présent (2021), où un homme retrouve la mémoire au contact des chevaux après dix ans dans le coma. Sans oublier Jappeloup (2013), sur la vie de Pierre Durand, médaillé aux JO de Séoul en 1988 avec un cheval de petit gabarit auquel personne ne croyait.

Avec son récit de sauvetage d'un poney maltraité dans un cirque de passage, Poly (2020), adaptation très libre du feuilleton Les Aventures de Poly (1961), fait figure d'anomalie. Dans Sport de filles (2012), enfin, le milieu hippique est décrit comme un microcosme de pouvoir et d’argent, avec comme héroïne une cavalière au caractère bien trempé (Marina Hands), animée par la rage de vaincre.

Comment expliquer cette passion du cinéma français pour les équidés? "Il y a une culture du cheval en France assez importante, comme en Angleterre et en Australie", explique Christian Duguay à BFMTV. "C'est un animal emblématique", renchérit Mathilde Seigner, star de Danse avec lui.

"Des gens m'arrêtent encore dans la rue pour me parler de leurs émotions face au film. Ça a touché les gens."

Une leçon de vie

Au-delà des belles images, ce sont avant tout les leçons de vie distillées par ces films qui séduisent le public: "Je n'avais pas envie de faire un film sur les chevaux mais plutôt sur ce qu'ils nous enseignent. Car on croit dresser les chevaux mais, dans le fond, c'est nous-même que nous transformons", soulignait en 2006 Valérie Guignabodet, la réalisatrice de Danse avec lui.

"J'ai commencé à lire les manuels d'équitation anciens, du XVIIIe ou XIXe siècle, et j'ai été stupéfaite d'y trouver de véritables leçons de philosophie. L'équitation, c'est le rapport à l'autre, un autre très différent de nous: libre, fort, terrorisant et terrorisé", racontait-elle encore.

Pour Christian Duguay, Tempête marque l'aboutissement de toute une vie à tisser des relations avec les chevaux.

"J'ai été totalement ébloui par ce rapport homme-cheval", insiste-t-il.

Espoir du milieu équestre canadien, pressenti pour participer aux JO de 1976, il a été séparé de son cheval lors du divorce de ses parents. Une brisure qui a nourri son dernier film.

La figure de Bernard Sachsé, dresseur équestre devenu paraplégique après une chute grave sur un tournage de film, plane autour de ces films. Son histoire a d'ailleurs inspiré En équilibre et lui-même a été directeur équestre de Danse avec lui. Malgré les avis pessimistes des médecins, il a pu participer aux Jeux Olympiques Handisports dans l'équipe de France de dressage.

Résilience pour les acteurs

Cette résilience aide aussi les stars de ces films, pour la plupart fascinées par ce milieu. Valérie Guignabodet possédait deux chevaux et les montait entre cinq et dix fois par semaine. Guillaume Canet et Marina Hands, qui se sont connus à l'adolescence dans les haras des Yvelines, ont toujours évoqué dans des interviews la frustration associée à leur expérience inachevée dans le milieu hippique.

Comme Christian Duguay, Guillaume Canet et Marina Hands se destinaient à de brillantes carrières dans le monde hippique avant de voir leur rêve se briser. Une blessure qu'ils ont pansée avec Jappeloup et Sport de fille.

"J'ai compris à quel point travailler avec les chevaux m'avait construite. Le film m'a permis de reconnecter les choses très simplement", confiait ainsi Marina Hands au Monde en 2012.

Avec Tempête, Christian Duguay a voulu faire un film "authentique", "qui va amener le spectateur à vivre des vrais moments d'émotions": "Il y a tous les ingrédients pour monter une trame narrative plus complexe que juste l'histoire d'un accident", précise-t-il.

"Le défi au centre du film est de remonter à cheval, mais surtout d'accepter cet accident dans sa vie."

Et Christian Duguay de conclure: "On verra si les gens vont être au rendez-vous, mais là, je sais que tous les gens du monde hippique voient le film et ne se sentent pas trahis. Ils trouvent que j'amène à l'écran une dimension que seuls des gens qui ont vécu au plus près des chevaux peuvent transmettre. Si je n'avais pas eu cette brisure au début de ma vie, je ne pense pas que le film aurait eu la même résonance."

Article original publié sur BFMTV.com