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Japon: Première contraction économique depuis plus de deux ans

par Stanley White et Leika Kihara

TOKYO (Reuters) - L'économie japonaise s'est contractée plus fortement que prévu en début d'année, donnant à penser que la croissance a atteint son apogée après avoir connu sa meilleure phase de croissance depuis des décennies, alors même que le gouvernement peine à obtenir des résultats de sa politique de relance.

La troisième économie mondiale s'est contractée de 0,6% en rythme annualisé au premier trimestre, en raison d'un ralentissement des investissements et de la consommation des ménages, a annoncé mercredi le gouvernement.

L'estimation médiane prévoyait un recul moindre, de 0,2%.

Ce premier recul du produit intérieur brut (PIB) japonais en neuf trimestres survient dans un contexte d'inquiétudes concernant les effets éventuels de la politique protectionniste du président américain Donald Trump sur les exportations.

Il met également en évidence la vulnérabilité de la banque centrale japonaise à un choc économique ou financier après cinq années de relance monétaire massive, qui lui laissent désormais peu de marges de manoeuvre pour soutenir la croissance.

Le ministre de l'Economie, Toshimitsu Motegi, a déclaré que le gouvernement ne voyait aucun changement pour sa prévision de redressement modéré de l'économie, prédisant une reprise de la croissance, soutenue essentiellement par la consommation privée et les dépenses d'investissement.

"Mais nous ne devons pas oublier l'impact de l'incertitude économique à l'étranger et de la volatilité des marchés", a-t-il ajouté.

MENACE SUR LES EXPORTATIONS

La demande extérieure, c'est-à-dire les exportations moins les importations, n'a ajouté que 0,1 point de pourcentage au PIB du premier trimestre, les importations ayant ralenti davantage que les exportations.

Cependant, un examen plus détaillé des données statistiques montre que la croissance des exportations perd de sa vigueur, n'ayant progressé que de 0,6% au premier trimestre après une hausse de 2,2% sur la période d'octobre à décembre 2017.

Selon le gouvernement, le ralentissement de la croissance des exportations reflète la baisse des livraisons des composants de téléphones mobiles et d'équipements industriels.

Cela constitue une source de préoccupation pour les industriels japonais car nombre de ces machines et composants électroniques sont expédiés en Chine, où ils sont utilisés pour produire des biens destinés à l'exportation, et sont donc menacés par le différend commercial entre les Etats-Unis et la Chine.

Les économistes soulignent que la contraction survenue au Japon au premier trimestre est temporaire mais ne s'attendent pas à un rebond aussi solide que les trimestres précédents.

"L'économie ne se dirige pas vers une récession", estime Hiroshi Miyazaki, économiste chez Mitsubishi UFJ Morgan Stanley Securities. "Cependant, il est évident que sur le long terme, le rythme de croissance ralentit."

FIN DE LA PLUS LONGUE PÉRIODE D'EXPANSION

Les données de mercredi marquent la fin de la plus longue période de croissance depuis celle qui avait duré 12 trimestres entre avril-juin 1986 et janvier-mars 1989 et au cours de laquelle s'était formée une bulle économique qui a éclaté au début des années 90.

Pour le quatrième trimestre 2017, le taux d'expansion annualisé a été révisé à 0,6%, au lieu d'une croissance de 1,6% comme indiqué en première estimation.

Pour le premier trimestre 2018, d'un trimestre à l'autre, le PIB a diminué de 0,2%, alors que l'estimation médiane des économistes donnait un PIB inchangé.

Les dépenses d'investissement ont diminué de 0,1%, premier repli en six trimestres, ce qui laisse penser que les investissements des entreprises ne sont pas aussi vigoureux que prévu par de nombreux économistes. L'estimation médiane projetait une hausse de 0,4%.

Les dépenses de consommation ont légèrement diminué, enregistrant un repli de moins d'un point de pourcentage au premier trimestre. L'estimation médiane prévoyait des dépenses de consommation inchangées.

"L'économie ne devrait pas continuer à se contracter, l'économie mondiale se porte bien et le yen se négocie au-delà de 110 pour un dollar, donc une fois que les exportations recommenceront à croître, l'économie retrouvera une trajectoire de croissance modérée", a dit Maruyama de SMBC Nikko Securities.

La contraction du premier trimestre pourrait freiner le projet de relèvement l'an prochain de la TVA de 8% à 10%.

Le passage de la TVA de 3% à 5% en 2014 avait entraîné une forte baisse des dépenses de consommation et plongé l'économie japonaise dans la récession.

"Les données révisées du PIB en 2017 ont montré que l'économie avait déjà commencé à ralentir depuis le début de l'année dernière. La contraction économique de janvier-mars pourrait pencher en faveur de l'appel de certains responsables politiques à repousser la hausse de la TVA", souligne pour sa part Kyohei Morita, économiste chez Crédit Agricole Securities.

(Danielle Rouquié et Claude Chendjou pour le service français, édité par Juliette Rouillon)