« Jamais Plus - It Ends With Us » : le film avec Blake Lively est fidèle au livre, et c’est tout le problème
CINÉMA - Avec plus de quatre millions d’exemplaires écoulés dans le monde, Jamais Plus (It Ends With Us) de Colleen Hoover est devenu un phénomène littéraire mondial, traduit en 43 langues. En France, c’était le quatrième livre le plus vendu en 2023. Son adaptation en film avec Blake Lively, sortie en salles ce mercredi 14 août, était donc très attendue des lecteurs et lectrices de new romance.
L’actrice américaine joue Lily Bloom, une fleuriste qui réalise son rêve d’ouvrir sa propre boutique à Boston, loin de son enfance difficile. Sa vie change lorsqu’elle rencontre le beau Ryle Kincaid, joué par Justin Baldoni, également réalisateur du film. La suite du synopsis va de soi : « De sa rencontre fortuite avec le charmant neurochirurgien naît une connexion intense ».
Spoiler (qui n’en est pas un car la bande-annonce montre — heureusement — cette information importante) : cette « connexion intense » annonce des violences conjugales. Après avoir vu sa mère victime des coups de son père, l’héroïne se retrouve dans la même situation. En parallèle, elle renoue avec son amour de jeunesse, Atlas Corrigan (Brandon Sklenar), qui connaît bien son trauma d’enfance, qu’il a lui-même vécu.
Une adaptation fidèle avec Blake Lively
Le film est conforme au livre, hormis quelques changements bienvenus. Dans le roman, Lily a vingt-trois ans et Ryle trente. En plus de l’impossibilité qu’il soit neurochirurgien aussi jeune, l’écart d’âge entre eux avaient dérangé de nombreux lecteurs. Colleen Hoover et l’équipe du film ont corrigé le tir et vieilli les personnages, joués par des acteurs de 35 et 39 ans.
La performance de Blake Lively, et l’absence de monologue intérieur du Lily tout du long, apporte plus de profondeur à l’héroïne, dont la version papier tombe souvent dans le cliché. L’actrice Isabela Ferrer est parfaitement castée pour jouer la Lily adolescente, tout comme Alex Neustaedter, qui interprète le jeune Atlas.
Mais l’adaptation cinématographique est fidèle au roman. Et c’est là que le bât blesse. Le film de Justin Baldoni n’évite pas les écueils de son modèle, pointé du doigt pour romanticiser les violences conjugales. La majeure partie du film est consacrée à la romance entre Lily et Ryle, avec de nombreuses scènes de flirt sur fond de musique pop. Les fans du livre seront ravis de voir l’alchimie entre Blake Lively et Justin Baldoni, et les moments sensuels de Lily et Ryle ont toute leur place à l’écran.
Le roman problématique de Colleen Hoover
Mais le véritable sujet — la réalité des violences conjugales — met bien trop de temps à arriver, comme dans le roman. La suite paraît expédiée. Le film passe, comme le livre, à côté du message que l’autrice affirme vouloir faire passer.
L’autrice et les fans du livre arguent depuis des années que le roman se lit volontairement comme une histoire à l’eau de rose, avant que le « twist » n’arrive, pour mieux mettre les lecteurs dans la peau de la victime, aveuglée par l’amour. Cet argument devient un problème lorsque le livre, comme le film, est marketé pour une cible aussi jeune. Car si It Ends With Us est sorti en 2016 aux États-Unis, c’est son succès sur TikTok en 2021 et 2022 qui a donné à Colleen Hoover sa notoriété mondiale.
Des adolescentes, parfois collégiennes, l’ont acheté sur les recommandations de la communauté BookTok, sans savoir que l’histoire d’amour virait aux violences domestiques, et sans être armées pour faire face à ce sujet gravissime. En 2023 en France, c’était le livre le plus acheté avec le Pass Culture, réservé aux 15-18 ans. Face à ce succès, Colleen Hoover a même publié un livre de coloriage Jamais Plus, dont la vente a été annulée après de vives critiques sur la maladresse d’un tel produit dérivé.
Jamais Plus ne devrait pas être un film romantique
Le film joue de la même communication maladroite pour attirer les jeunes lectrices en salles. Des vidéos promo sur les réseaux affichent « Premier flirt, première passion, premier cœur brisé » sous des images du couple formé par Lily et Ryle, comme cela pourrait être le cas pour n’importe quel film romantique.
Depuis le début de la promotion, Blake Lively met en avant le style vestimentaire de son personnage, sa passion pour les fleurs et fait des interviews légères à la chaîne avec ses co-actrices et Colleen Hoover, mais elle n’aborde jamais la question des violences conjugales. Justin Baldoni, semble être le seul à mettre l’accent sur ce sujet, et n’apparaît pas aux côtés du reste du casting sur les tapis rouges et plateaux télé. Colleen Hoover et Blake Lively répètent à tout va que « ceux qui ont aimé le livre aimeront le film ». L’inverse est tout aussi vrai.
Sensibiliser aux violences conjugables à travers un livre ou film est louable, mais même pour un public mature, averti de la tournure de l’histoire, Jamais Plus rate le coche. Le triangle amoureux apparaît comme une justification facile à la violence de Ryle et détourne l’intrigue du vrai problème. La fin n’apporte aucune justice ni protection à l’héroïne. L’agresseur est montré comme un homme brisé mais désormais inoffensif, qui cherche juste à se repentir et sollicite la pitié de la victime et des lecteurs.
L’affiche du film questionne : « Est-il plus difficile de partir ou de rester ? ». Il est regrettable que la réponse soit survolée.
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