Jair Bolsonaro épinglé pour ses dépenses faramineuses
BRÉSIL - Ce sont des révélations qui ne vont pas améliorer son dossier après l’invasion des lieux de pouvoir par ses partisans. Quelque 20 000 euros dans un modeste restaurant, près de 10 000 euros dans une boulangerie le lendemain du mariage de son fils : la levée du secret sur les dépenses de l’ex-président brésilien Jair Bolsonaro a mis au jour des frais invraisemblables.
Les relevés de compte de la carte de crédit présidentielle sur ses quatre années de mandat (2019-2022) ont été publiés sur un site en ligne officiel du gouvernement de gauche de Luiz Inacio Lula da Silva, son successeur, qui a commencé à lever un secret imposé pour 100 ans par son prédécesseur d’extrême droite sur des milliers de documents officiels. Au total, 27,6 millions de réais (près de cinq millions d’euros au taux de change actuel) ont été dépensés avec cette carte, utilisée par 21 personnes de son équipe.
Si l’on prend en compte les montants corrigés de l’inflation, ces dépenses sont presque deux fois moindres que celles du premier mandat de Lula (2003-2006). Mais dans le cas de ce dernier, elles concernaient surtout des coûts d’hébergement pour des voyages à l’étranger. Ce qui n’est pas le cas de Jair Bolsonaro, qui en outre s’était targué à plusieurs reprises au cours de son mandat de ne pas avoir déboursé « un seul centime » avec la carte de crédit présidentielle, contrairement à ses prédécesseurs.
De quoi commander plus de 2 000 fois le plat le plus cher
Le site internet d’informations Uol a par exemple relevé qu’1,2 million de réais (environ 217 000 euros) avaient été dépensés au cours des 28 jours de vacances de fin d’année officielles de l’ex-chef de l’État en 2019, 2020 et 2021. Un paiement de plus de 71 000 réais (près de 13 000 euros) a par exemple été effectué le 2 janvier 2022 dans une station-service de l’État de Santa Catarina, où Jair Bolsonaro avait suscité un tollé en faisant du jet-ski pendant que de terribles inondations touchaient plusieurs régions de son pays.
La carte de crédit présidentielle a également servi à payer 1,46 million de réais (plus de 230 000 euros) en quatre ans dans un hôtel de luxe de Guaruja, une station balnéaire près de São Paulo. Selon le site en ligne G1, cet hôtel hébergeait des membres de son équipe pendant qu’il séjournait dans un complexe militaire.
La plus grosse dépense en alimentation est également celle qui pose le plus de questions : 109 266 réais (environ 20 000 euros) déboursés en une seule fois dans un modeste restaurant de Boa Vista, dans l’État amazonien de Roraima (nord). De quoi commander plus de 2 000 fois le plat le plus cher, du poulet rôti avec de la farine de manioc, au prix modique de 50 réais (neuf euros).
La carte de crédit présidentielle a également servi à payer plus de 362 000 réais (65 000 euros) en quatre ans dans une boulangerie de Rio de Janeiro, dont 55 000 en une fois le lendemain du mariage de son fils Eduardo et 33 000 la veille d’un cortège à moto organisé par ses sympathisants dans les rues de cette ville. Au total, 8 600 réais (environ 1 500 euros) ont été dépensés chez des marchands de glaces, soit 62 achats dans cinq établissements.
Et puisqu’un ennui n’arrive jamais seul, un projet de décret retrouvé chez l’ancien ministre brésilien de la Justice de l’ex-président Jair Bolsonaro devrait compliquer encore un peu plus le cas du président déchu.
Un document accablant pour les bolsonaristes
Selon le quotidien Folha de S. Paulo, ce document prévoyait des mesures d’urgence qui auraient pu permettre l’annulation du résultat de l’élection remportée par Lula. Très compromettant, le projet de décret a été retrouvé lors de perquisitions de la Police fédérale au domicile d’Anderson Torres, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt d’un juge de la Cour suprême pour « collusion » présumée dans l’assaut de bolsonaristes contre les lieux de pouvoir à Brasilia dimanche.
Le texte de trois pages, dont le contenu a été publié par le journal vendredi, prévoit que le gouvernement fédéral prenne le contrôle du Tribunal supérieur électoral (TSE), qui veille à la bonne marche du scrutin, « pour assurer la préservation et le rétablissement de la transparence, et approuver la régularité du processus électoral de la présidentielle de 2022 ». Une mesure jugée anticonstitutionnelle par de nombreux juristes. Dans la pratique, cela signifie que l’intention aurait été d’annuler l’élection de Lula.
Selon la Folha de S.Paulo, qui a révélé le scandale, ce brouillon pourrait être le premier élément de preuve irréfutable que l’entourage de Jair Bolsonaro préparait un coup d’État en cas de défaite. Car si le document n’est pas daté, mais le nom de Jair Bolsonaro se trouve à la fin, sur un espace prévu pour sa signature.
Anderson Torres, qui se trouve aux États-Unis, a déclaré sur Twitter que ce brouillon se trouvait « probablement dans une pile de documents censée être détruite en temps voulu » et que son contenu a été volontairement dévoilé et est « hors de son contexte ». Il n’a en toutre cessé de clamer son innocence et a promis de rentrer au Brésil pour se rendre aux autorités, sans pour autant indiquer de date précise. Sauf que le ministre de la Justice de Lula, Flavio Dino, a déclaré vendredi qu’il allait réclamer son extradition s’il ne se présentait pas aux autorités brésiliennes d’ici lundi.
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