"J'ai vu tant de choses": des lettres révèlent que l'abbé Pierre a menacé des accusateurs
La cellule investigation de Radio France a diffusé ce lundi 9 septembre des lettres manuscrites écrites par l'Abbé Pierre dans lesquelles il se montre particulièrement menaçant.
Et si ce n’était que le début ? Les éléments contre l’Abbé Pierre, figure emblématique de la lutte contre le mal-logement et le sans-abrisme, se multiplient. Vendredi 6 septembre, 17 nouveaux témoignages de femmes ont été partagés par le cabinet spécialisé Egaé. Elles accusent l’homme de foi de violences sexuelles. Des faits qui auraient été commis entre les années 1950 et les années 2000.
Ce lundi 9 septembre, c'est la cellule investigation de Radio France qui a dévoilé de nouveaux documents accablants. Des lettres manuscrites que l’Abbé Pierre a adressées notamment à Suther Marshall, un étudiant américain qui a co-organisé le voyage du religieux aux Etats-Unis en 1955.
"J'ai vu tant de choses pendant le voyage"
Selon Radio France, plusieurs femmes se sont plaintes du comportement de l’Abbé Pierre à New-York, Chicago et Washington au cours de ce voyage. Un séjour écourté à la demande d’un théologien catholique français, Jacques Maritain, après ces plaintes, de peur d’un scandale.
L’étudiant américain, Suther Marshall, avait alors écrit une lettre manuscrite à un proche de l’abbé quelques mois après les faits.
"J’ai vu tant de choses pendant le voyage, des façons d’agir du Père comme individu. Je pense, par exemple, à Chicago, quand il avait été explicitement décidé que la condition de continuer le voyage, était que le père ne soit jamais seul", écrivait l’étudiant dans cette lettre diffusée par la cellule investigation de Radio France.
L’Abbé Pierre avait alors adressé un courrier, daté de fin 1955, à l’étudiant. "Tu promettais de ne plus te mêler de cette multitude de choses où tu ne sais accumuler que des ravages, chaos et infection", avait-il écrit. "Sache que pas une récidive ne restera sans réponse, et s’il le faut [mes réponses seront] brutales, chirurgicales".
Selon, la cellule d’investigation de Radio France, des faits similaires pourraient avoir eu lieu au Canada en 1959. Dans une lettre adressée au révérend Roy, un cardinal québécois qu'il soupçonne d'être au courant de ses agissements, l’Abbé Pierre avait réfuté les accusations.
"Tout est faux dans ces accusations", affirmait-il. "Jamais rien de ce genre de misère n’a existé, jamais ça n’a existé où que ce soit, aucun de ces faits de police misérables dont vous avez parlé. S’il faut plus que ma parole, je puis vous donner de cela le serment."
Dans cette lettre, la figure emblématique de la lutte contre le mal-logement avait aussi menacé de poursuivre devant les tribunaux "ceux qui tiennent ces propos".
Fermeture définitive d'un lieu de mémoire
L’Abbé Pierre est visé par une série d’accusations de violences sexuelles depuis juillet dernier. Sept femmes avaient accusé l'homme de gestes déplacés entre 1970 et 2005 dans un rapport rendu public par Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre le 17 juillet.
Sept semaines après les premières révélations, le cabinet spécialisé Egaé a rendu public, ce vendredi 6 septembre, le rapport dans lequel figure 17 nouveaux témoignages qui accusent l’Abbé Pierre de violences sexuelles. Elles auraient été commises entre les années 1950 et les années 2000.
"À ce jour, il est possible d'identifier au moins 17 personnes supplémentaires ayant subi des violences de la part" du prêtre décédé en 2007, peut-on lire dans ce rapport, qui fait notamment état de faits pouvant s'apparenter à des viols.
Au total, le groupe Egaé, chargé le 17 juillet par Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre de recueillir de potentiels nouveaux témoignages, a indiqué avoir reçu à date du 2 septembre une cinquantaine de mails et une vingtaine de messages téléphoniques.
Après publication du rapport, la Fondation Abbé Pierre a annoncé dans un communiqué avoir "décidé de changer de dénomination et a initié les démarches prévues à cet effet", tout en réaffirmant son "soutien total" aux victimes.
Dans le même communiqué, le mouvement Emmaüs a annoncé la fermeture définitive du lieu de mémoire dédié à l'Abbé Pierre, à Esteville (Seine-Maritime), village où il est enterré.