"J'ai en tête les victimes et je les aurai à jamais": l'émotion du cheminot jugé au procès de la catastrophe de Brétigny-sur-Orge

L'ancien cadre de la SNCF a déclaré se sentir "responsable moralement" de l'accident qui avait fait 7 morts et une centaine de blessés en 2013. Le prévenu était chargé de l'inspection de la voie quelques jours avant le drame.

Il parle d'un sentiment de culpabilité qui ne le quitte pas. Laurent Waton, cadre cheminot jugé pour "homicides involontaires" dans l'accident ferroviaire survenu à Brétigny-sur-Orge, dans l'Essonne, en 2013, s'est exprimé sur les faits mercredi devant le tribunal correctionnel d'Évry, visiblement très touché, assurant qu'il ne "(s'était) pas passé un jour sans qu'(il) ne pense à ce terrible accident".

"On se sent responsable moralement"

"Je suis très ému de me présenter à la barre. (...) J'ai en tête les victimes et je les aurai à jamais. Il ne s'est pas passé un jour sans que je ne pense à ce terrible accident", a-t-il confié devant la cour.

Âgé de 24 ans au moment des faits, Laurent Waton comparaît pour "homicides involontaires" et "blessures involontaires" dans le cadre du déraillement en gare de Brétigny-sur-Orge d'un train intercité reliant Paris à Limoges. Sept personnes avaient été tuées et des centaines blessées.

Près de neuf ans après les faits, le prévenu, qui ne travaille plus pour la SNCF depuis 2019, s'est révélé encore marqué par le drame, alors qu'il était chargé d'inspecter la voie quelques jours avant l'accident.

"On se sent responsable moralement, le train a déraillé devant mon bureau. Je n'étais pas là ce jour-là, mais si j'avais été là, j'aurais vu le train dérailler devant ma fenêtre", a déclaré à la barre l'homme aujourd'hui âgé de 33 ans, portant chemise bleue et lunettes noires.

Une "appréciation fautive" lors de l'inspection de la voie?

L'ancien directeur de proximité, qui travaille désormais à Lyon dans une autre entreprise, devra répondre d'une "appréciation fautive": celle d'avoir effectué "seul la dernière inspection des voies", avec une attention "manifestement insuffisante".

Tout au long de l'enquête, il a assuré n'avoir détecté aucune anomalie lors de cette tournée réalisée huit jours avant le déraillement, survenu après le retournement d'une éclisse en acier - sorte de grosse agrafe raccordant deux rails consécutifs.

Les propos du prévenu ont semble-t-il été entendus par au moins certaines des victimes, présentes au procès.

"Je peux comprendre que lui, dans la fonction qui était la sienne, avec les responsabilités qui étaient les siennes, soit aujourd'hui encore affecté par cette catastrophe", a reconnu au micro de BFMTV Jean-Luc Marissal, blessé lors de la catastrophe.

Un "état de fatigue trop avancé"?

Interrogé longuement par la cour, Laurent Waton a évoqué en détails son travail de l'époque à la SNCF, avec les longues journées et le stress.

Son audition de trois heures n'a pas levé toutes les interrogations. La question d'un état de fatigue trop avancé lié à ses responsabilités et aux volumes horaires importants de son poste, ainsi que son goût pour les sorties nocturnes, est ainsi posée.

"On a un SMS dans lequel il écrit à la sortie d'un interrogatoire de police qu'il a mis cinq heures à essayer de ne pas bien se faire comprendre. Ne pas bien se faire comprendre, ça a été justement la technique de défense de l'essentiel des cadres de la SNCF", a indiqué par ailleurs à BFMTV Gérard Chemla, avocat de parties civiles.

Laurent Waton encourt jusqu'à trois années d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.

Article original publié sur BFMTV.com

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