Jón Kalman Stefánsson,

pionnier islandais de l’éternité

L’islandais possède plus de 700 mots et expressions décrivant les divers types de vent associés à d’autres phénomènes météorologiques qu’aucun traducteur, aussi génial soit-il, ne saurait rendre en français ou dans d’autres langues. En revanche, il a fallu longtemps aux habitants de cette île - des centaines d’années - pour oser prononcer ou écrire des mots comme amour, infini et éternité. Nommer ce qui est impalpable, invisible à l’œil nu, c’était comme toucher un saint vivant : on se brûlait les doigts. L’islandais n’est pas une langue abstraite. Ici, la vie est un poisson.

Jón Kalman Stefánsson est le premier écrivain vernaculaire à avoir introduit l’éternité dans les lettres islandaises. J’entends par là qu’il a été le premier à oser écrire ce mot. («l’éternité est immobile tandis que le temps nous propulse à travers elle»). Il donne immédiatement le ton dès son premier livre, Permis pour chasser l’éternité. C’est donc en 1988 que l’éternité est entrée dans la littérature islandaise, Jón Kalman avait alors 25 ans. Avant lui, l’écrivain qui s’en était le plus approché était probablement Halldór Laxness qui donnait la parole à une pendule dans un de ses romans (les Annales de Brekkukot), pendule à laquelle il faisait dire : «édernidé, édernidé». Dans son sillage, Jón Kalman Stefánsson a ajouté d’autres concepts que ses compatriotes étaient réticents à nommer, et qui pourraient sans difficulté remplir l’univers : beauté, mort, tristesse, douleur de l’absence, anges, et jusqu’au temps lui-même. Sans oublier la poésie qui, dans les œuvres de Jón Kalman est à la fois dangereuse, tout simplement mortelle, mais qui aide à survivre au quotidien. Nous n’étions pas habitués à voir un écrivain poser des questions comme «qui suis-je, sommes-nous ce que nous faisons ou ce que nous rêvons ?» (Si on prend également en compte le rôle important du ciel sur les couvertures françaises de ses romans - un peu comme dans les peintures hollandaises du (...) Lire la suite sur Liberation.fr

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