Jérôme Ferrari «Jusqu’à récemment, des mécanismes d’inhibition pouvaient agir pour empêcher de dire des inepties»

Le Prix Goncourt 2012 s’interroge sur le décalage grandissant entre langage et réalité en politique. Et sur la contagion du cynisme et de la bêtise dans un monde qui n’admet plus que des raisonnements simplistes.

Rien ne lui ôtera son plaisir d’enseigner la philosophie à ses élèves de classe préparatoire et terminale. Pas même les trois heures de route à travers la Corse qui séparent Ajaccio de Bastia, où il alterne ses cours durant la semaine. Ni la littérature qui lui valut le prix Goncourt en 2012, pour le Sermon sur la chute de Rome (Actes Sud).

Jérôme Ferrari était de passage à Paris à l’occasion de la parution d’un recueil de chroniques publiées de janvier à juin 2016 dans le quotidien la Croix. Il se passe quelque chose est le titre donné à ces textes qui paraissent sous forme d’essai. Car on s’aperçoit au fil des pages que tout est lié par un regard critique constant posé sur l’usage du langage et le délitement des mots avec la réalité. L’occasion pour le romancier d’introduire Hannah Arendt, Simone Weil, Boris Savinkov ou Arthur Schopenhauer et de répondre à la prédominance des «passions tristes» chères à Spinoza : le ressentiment, la peur.

Durant six mois, il s’est permis de, sinon commenter et donner son avis personnel, du moins tenter de saisir l’actualité chaque semaine sans rien épargner ni personne. Un exercice auquel il s’était toujours refusé, assure-t-il, pour ne pas tomber dans la platitude ambiante des opinions qui ne font l’objet d’aucune élaboration critique. Mais c’était avant que le terrorisme, l’état d’urgence et la violence populiste ne plongent la France dans un climat nauséabond. L’écrivain et traducteur de langue corse ne s’étend pas, il va à l’essentiel, instinctif.

Vous n’étiez pas enthousiaste à l’idée de publier des articles dans un journal et pourtant vous semblez y avoir pris du plaisir. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a une contradiction que je n’explique pas. Avoir publié des romans ne confère aucune autorité pour juger du cours du (...)

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