Israël-Hamas : la crise sanitaire à Gaza, l’autre front de la guerre dans l’enclave palestinienne

Après un an de guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, la situation sanitaire dans la bande de Gaza est catastrophique. (Photo d’une queue pour la vaccination contre la polio à Gaza, le 5 septembre 2024)
BASHAR TALEB / AFP Après un an de guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, la situation sanitaire dans la bande de Gaza est catastrophique. (Photo d’une queue pour la vaccination contre la polio à Gaza, le 5 septembre 2024)

INTERNATIONAL - Le cas de polio détecté durant l’été à Gaza, le premier depuis 25 ans, a été un choc. En un an de guerre entre le Hamas et Israël, les conditions sanitaires se sont détériorées et les maladies de peau, les infections respiratoires ou encore les épidémies de poliomyélite et d’hépatite A font des ravages dans le territoire palestinien.

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« Depuis le 7 octobre 2023, 90 % de la population de la bande de Gaza a été déplacée et se trouve actuellement dans une situation de précarité ultime. Les Gazaouis vivent dans ce qui reste de leur maison ou sous des bâches en plastique, sans accès à l’eau ni à l’électricité », décrit Jean-François Corty, président de Médecins du monde auprès du HuffPost. Le chercheur associé à l’Iris n’hésite pas à parler au HuffPost de conditions sanitaires « moyenâgeuses ».

L’ONG néerlandaise de promotion de la paix PAX disait déjà, dans un rapport de juillet, que la bande de Gaza se retrouve « noyée » sous une montagne de déchets et de décombres, vecteurs de maladies et contaminations en tout genre.

Poliomyélite détectée dans un camp surpeuplé

« On ne fait que souffrir, on ne vit pas, racontait durant l’été à l’AFP Oum Nahed Abou Shar, mère de famille de 45 ans, sous la tente d’un camp de déplacés à Deir al-Balah, surpeuplé, dans le centre du petit territoire palestinien. La chaleur, les maladies, les mouches, les moustiques (...), tout cela nous fait du mal. » C’est dans les eaux usées de ce camp qu’a surgi le premier cas de polio ; en l’occurrence sur un bébé de dix mois qui n’avait pas été vacciné. La poliomyélite est une maladie très contagieuse provoquée par un virus (le polio virus) qui envahit le système nerveux et peut entraîner en quelques heures des paralysies irréversibles.

Craignant une « catastrophe sanitaire de grande ampleur », l’OMS a expressément réclamé aux autorités israéliennes des « pauses humanitaires » pour vacciner 640 000 enfants palestiniens. En septembre, Tsahal a alors accordé une pause dans les combats de 6 à 15 heures durant trois jours pour mener à bien cette campagne de vaccination.

Durant cette vaccination à grande échelle, « l’armée israélienne a continué ses bombardements », déplore cependant la porte-parole de l’Unicef, Tes Ingram, auprès de France 24, estimant qu’il s’agit probablement de la « plus dangereuse campagne de vaccination dans le monde ».

Au moins 115 000 cas de maladie de peau

Les maladies de peau sont un autre fléau. L’OMS a dénombré dans son dernier bilan 96 417 cas de gale et de poux parmi la population gazaouie, 9 274 personnes infectées par la varicelle et 10 038 par l’impétigo, une infection bactérienne de la peau. Ces contaminations s’expliquent par le manque d’eau potable et la pollution de la mer Méditerranée orientale dans laquelle se lave la population.

« À Gaza, la malnutrition, la famine et la maladie tuent plus les balles », Michael Fakhri, rapporteur de l’ONU pour le droit à l’alimentation.

L’OMS s’est également dite « très inquiète » face aux risques épidémiques à Gaza. « Il ne s’agit pas seulement de la polio. L’hépatite A a été confirmée l’année dernière » et il y a déjà « jusqu’à 14 000 personnes qui pourraient avoir besoin d’une évacuation médicale hors de Gaza », a fait part le Dr Ayadil Saparbekov, chef d’équipe à l’OMS pour les urgences sanitaires dans les territoires palestiniens, lors d’un point de presse, le 23 septembre.

Quant au président de Médecins du monde, Jean-François Corty, il pointe surtout « l’épidémie de malnutrition ». Au cours des douze derniers mois, le département pédiatrique de l’hôpital Kamal-Adwan, situé au nord de l’enclave, a enregistré la mort de 37 enfants par malnutrition et déshydratation, pointe Le Monde.

Une épidémie de malnutrition « liée à des facteurs politiques »

Dans un rapport publié en juillet, les Nations Unies ont rappelé « que la malnutrition objectivée à Gaza était intentionnelle, liée à des facteurs politiques », pointe Jean-François Corty. Il ajoute à cet égard que depuis un an Israël impose un blocus de la bande de Gaza, visant l’entrée de nourriture, d’eau, de médicaments, de carburant et d’électricité.

L’auteur principal de cette étude de l’ONU, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Michael Fakhri, a estimé sur X qu’à « Gaza, la malnutrition, la famine et la maladie tuent plus de personnes que les bombes et les balles. »

Une affirmation que partage Jean-François Corty. D’après le médecin, le bilan du ministère de la Santé de Gaza donnant « 41 000 morts » dus à l’assaut d’Israël est sous évalué. Il ne prendrait pas en compte « les personnes encore sous les décombres, ni les morts liés au défaut de soins ».

Un système hospitalier à genoux

Le bilan des victimes de cette crise sanitaire est aussi lourd, car le système hospitalier croule sous les demandes. Selon Médecins sans Frontières, seuls 17 hôpitaux sur 36 fonctionnent sur le territoire. Ceux en état de marche sont donc saturés. « Les bombardements en un an ont détruit 80 % du bâti (maisons, écoles, hôpitaux…). Ils ont mis à plat le système de santé de Gaza », s’insurge Jean-François Corty.

« Nos équipes ont été contraintes de pratiquer des opérations chirurgicales sans anesthésie, de voir des enfants mourir sur le sol des hôpitaux faute de ressources (...) », relate, lui, le Dr Amber Alayyan, responsable du programme médical de MSF, dans un communiqué transmis au HuffPost.

Le manque de personnels de santé et de travailleurs humanitaires est également criant. Les associations ne peuvent pas entrer en territoire palestinien en raison du blocus israélien et travaillent sous la menace des bombes. « Près de 300 humanitaires ont été tués dans la bande de Gaza ces douze derniers mois », évalue le président de Médecins du monde.

Si la double crise sanitaire et hospitalière semble inextricable, des solutions à court terme existent pourtant, souligne le chercheur associé à l’Iris. Dans les plus brefs délais, « il faut permettre aux humanitaires d’entrer sur le territoire sans se faire tuer, redonner l’accès à l’eau potable et faire en sorte que les infrastructures sanitaires fonctionnent à plein régime. » Surtout, Jean-François Corty appelle à un « cessez-le-feu à Gaza pour que les civils ne payent pas le prix de la stratégie politique d’Israël de punition collective. »

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