Isabelle Adjani, Marion Cotillard... Les actrices françaises témoignent sur le harcèlement et Harvey Weinstein

Les actrices françaises font entendre leurs voix à propos du harcèlement dont elles ont été ou font encore l'objet dans leur profession, et témoignent sur l'affaire Harvey Weinstein.

Les actrices du cinéma français réagissent à l'affaire Harvey Weinstein, certaines ont même été parmi les premières à témoigner des harcèlements ou des tentatives de viol dont elles ont été l'objet de la part du producteur américain. Aujourd'hui, de Marion Cotillard à Isabelle Adjani en passant par Elisa Tovati ou Léa Seydoux, les actrices de l'Hexagone se mobilisent, et certaines confirment que les affaires de harcèlements sexuels ne se cantonnent pas au cinéma américain.

"Plus d'une fois dans ma carrière, j'ai eu à esquiver des prédateurs. Toutes les braves femmes qui ont parlé vont je l'espère ouvrir un nouveau chapitre (...). Il est temps d'interroger nos consciences et à quel degré nous avons toléré les abus. C'est aussi le moment de guérir. Ce qui se passe actuellement est capital. Pour tout le monde. Capital pour Harvey Weinstein. Il doit faire face à ce qu'il a commis trop longtemps et a besoin de comprendre qu'il est répugnant et criminel et qu'il doit se racheter. J'espère, je souhaite que cela l'aide à devenir une meilleure personne. C'est aussi capital car espérons-le, cela en dissuadera d'agir en toute impunité. Le pouvoir ne donne pas le droit au crime (...)"

  • Léa Seydoux, sur une agression de la part d'Harvey Weinstein (source Guardian) :

"Nous parlions sur le canapé lorsqu'il s'est soudainement rué sur moi et a tenté de m'embrasser. J'ai dû me défendre. Il est gros et grand, donc j'ai dû être forte pour lui résister. Il a tenté plus d'une fois. Je l'ai repoussé physiquement. Je pense qu'il m'a respectée car je lui ai résisté".

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  • Elisa Tovati sur le moment où elle a été victime de ses premiers harcèlements en France (au Parisien) :

"Quand j’ai commencé les castings entre 15 et 18 ans, trois ou quatre fois. Comme c’est arrivé à presque toutes les jeunes actrices qui sont les proies de gros porcs. Ce sont des castings où l’on vous demande de vous foutre à poil sous prétexte que c’est pour le rôle d’une fille un peu sulfureuse. Moi, je répondais au réalisateur : 'Sur le tournage, si le rôle le justifie, on verra. Mais là, dans une salle blanche, devant vous et une petite caméra, ça va pas être possible'. Mais j’étais tétanisée. Dans ces cas-là, vous ne savez pas à quel moment ça va déraper… Ça m’est même arrivé de partir en courant. Je me souviens aussi d’un comédien très connu sur le tournage d’une fiction télé qui a bloqué la porte de ma loge et m’a dit : 'Viens, je vais te faire un petit détartrage.' Il était âgé, j’étais jeune. J’ai été très choquée. Vous arrivez à vous en sortir avec une pirouette, un sourire, un coup de coude pour ouvrir la porte. Mais vous êtes en panique"

"J'étais si naïve et prise au dépourvu". A l'étage, [Harvey Weinstein] lui demande de lui faire un massage. Elle refuse. Il lui dit que c'est une coutume américaine. (...) La chose dont je me souviens ensuite, c'est qu'il se presse contre moi et m'enlève mon pull (...)."

Puis réclamant de l'aide à une productrice de la Weinstein Company, l'actrice raconte : "ils m'ont mis la tête sur l'affiche" avec le commentaire suivant : "On est chez Miramax, vous ne pouvez rien dire".

  • Emma de Caunes, extrait de l'article du New Yorker, après que Harvey Weinstein l'ait convié dans sa chambre d'hôtel :

(...) "Lorsque j'ai raccroché le téléphone, j'ai entendu la douche dans la salle de bain. Je me demandais ce que c'était que ces conneries, pourquoi il prenait une douche. Weinstein est sorti nu et en érection. 'Qu'est-ce qui se passe ?' a-t-elle demandé. Weinstein lui a demandé de s'allonger sur le lit et que beaucoup de femmes en ont fait ainsi avant elle.

"J'étais pétrifiée, mais je ne voulais pas le lui montrer, car je sentais que plus j'avais peur, plus ça l'excitait. C'était comme un chasseur avec un animal sauvage. La peur l'excitait. (...) Nous n'avons rien fait !"

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  • Isabelle Adjani a fait entendre sa voix dans le JDD, et parle également de la France :

"Pour la plupart des gens, si une actrice doit coucher pour y arriver, ça reste naturel, voire normal, selon l'idée qu'il faut bien donner un peu de soi quand on veut obtenir beaucoup. Et cette question est trop peu souvent considérée sous l'angle du harcèlement et du viol : 'Et quand bien même, ne l'aurait-elle pas un peu cherché, elle qui affiche et montre son corps dans des tenues sexy, glamour, affriolantes?' Le pire, c'est que certaines femmes le pensent aussi et j'ai été abasourdie par les propos de la styliste Donna Karan qui a pris la défense de Harvey Weinstein en invoquant cet argument sordide. Alors si un tycoon du cinéma comme Weinstein use et abuse de cette situation, ce n'est pas si grave ? Même s'il est prêt aux chantages les plus odieux pour empêcher ses victimes de parler ?

"(...) En France, c'est autrement sournois. En France, il y a les trois G : galanterie, grivoiserie, goujaterie. (...) Dans les maisons de production ou chez les décideurs, j'ai souvent entendu : 'Toutes des salopes, toutes des putes de toute façon, ces actrices !' Quand une actrice se fait séduisante pour décrocher un rôle, ce n'est pas pour se faire violer ! Mais ce n'est pas un jeu et il est grand temps de rappeler que dans libertinage il y a liberté et que quand une femme dit non, elle dit non, que son corps lui appartient et qu'elle seule est libre d'en disposer.

"Je pense que cette histoire, l'impunité et le silence qui entourent encore le harcèlement sexuel, malgré l'évolution de la loi qui le réprime de plus en plus sévèrement, expriment profondément une inégalité radicale qui perdure entre les femmes et les hommes : celle du choix et de la maîtrise de sa sexualité. Laissons savoir à ces messieurs les harceleurs que les actrices, tout comme les ouvrières, les agricultrices ou les ingénieures, les commerciales ou les institutrices, les mamans ou les putains, sont toutes libres de baiser, libres d'avorter. Et libres de parler !"

  • Florence Darel, extrait de son témoignage au Parisien :

"Il m'a parlé d'un film qu'il voulait faire sur la guerre 39-45 puis il s'est mis à me dire qu'il me trouvait très attirante et qu'il voulait avoir des relations avec moi. Je lui ai dit que j'étais très amoureuse de mon compagnon. Il m'a répondu que ça ne le gênait pas du tout et m'a proposé d'être sa maîtresse quelques jours par an. Comme ça, on pourrait travailler ensemble. En gros, si tu veux continuer en Amérique, passe par moi."