INTERVIEW. "La start-up oblige à respecter le principe de réalisme économique"
Utiliser la différence de salinité entre mers et fleuves pour libérer une énergie propre, c'est l'un des défis de du physicien Lydéric Bocquet qui a, pour rapprocher la recherche de l'industrie, contribué à la création de quatre start-up.
Cet article est issu du magazine Les Dossiers de Sciences et Avenir n°219 daté octobre/ décembre 2024.
Lydéric Bocquet est directeur de recherches CNRS, professeur à l'Ecole normale supérieure et titulaire de la chaire annuelle Innovation technologique Liliane Bettencourt au Collège de France en 2022-2023.
Les Dossiers de Sciences et Avenir : Dans le cadre de vos recherches sur les fluides, en particulier à l'échelle nanométrique, vous avez cofondé en 2015 une start-up, Sweetch Energy, qui développe une technologie destinée à créer une énergie renouvelable dite "osmotique". De quoi s'agit-il ?
Lydéric Bocquet : L'énergie osmotique est libérée, sous forme de chaleur, par la différence de salinité entre les eaux douces et salées qui se rencontrent dans les estuaires et les deltas des fleuves. Dès les années 1950, on a tenté de capturer à travers une membrane une partie de cette énergie chimique, portée par les ions qui forment le sel. Ceci, afin de la transformer en électricité.
Sweetch Energy s'inspire de travaux publiés par mon équipe en 2013, lorsque nous avons découvert que, si elle est réalisée dans certains types de matériaux, une membrane percée de nanopores permet d'accélérer le transfert des charges électriques et de récupérer davantage d'énergie qu'une membrane classique. Sweetch Energy vient ainsi de dépasser une puissance électrique de cinq watts par mètre carré de membrane, avec des membranes à base de cellulose, donc biosourcées : c'est un seuil de rentabilité. Le point clef, c'est qu'on peut en compacter des millions de mètres carrés dans une installation.
Lire aussiUne énergie renouvelable inédite voit le jour en France
Quel est le potentiel de cette source d'énergie ?
Pas du tout anecdotique, puisqu'on l'estime, à l'échelle mondiale, entre 1.000 et 2.000 gigawatts. L'équivalent de 1.000 à 2.000 réacteurs nucléaires ! C'est une énergie renouvelable, sans émission de CO2, et permanente, contrairement à l'éolien ou au solaire. En France, par exemple, le [...]