INTERVIEW. "La question du statut moral se pose pour les embryoïdes humains"
Le développement des organoïdes cultivés à partir de tissus humains soulève des problèmes éthiques qui appellent des mesures d'encadrement, souligne le neurobiologiste.
Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°215 daté octobre/ décembre 2023.
Hervé Chneiweiss est directeur du laboratoire Neuroscience Paris-Seine-IBPS (Institut de biologie Paris-Seine), président du Comité d'éthique de l'Inserm et du Comité international de bioéthique de l'Unesco.
Sciences et Avenir - Les Indispensables : Mini-foies, mini-poumons, mais aussi mini-cerveaux ou mini-embryons… Faut-il accorder un statut spécifique aux organoïdes ?
Hervé Chneiweiss : Attention, appeler les organoïdes "mini-organes" est faux ! Cela peut provoquer des peurs ou fantasmes qui n'ont pas lieu d'être. Ceci dit, l'encadrement devient nécessaire, car la question du statut moral commence à se poser pour certains organoïdes. Car des embryoïdes très proches d'un embryon humain de 14 jours viennent d'être obtenus.
Récemment, une équipe chinoise a essayé d'implanter un modèle embryonnaire de macaque dans un utérus de macaque. Cela n'a pas fonctionné, mais l'intention de développer une entité vivante est là. On pourrait imaginer qu'à l'avenir, des modèles d'embryons soient implantés dans un utérus artificiel et y développent une entité vivante, ayant un génome humain.
Qu'en est-il des organoïdes cérébraux, qui pourraient un jour être dotés d'une conscience ?
Attention aux fausses promesses. Ils ne contiennent que quelques milliers de cellules, quand notre cerveau en possède 200 milliards. Et nous ne savons pas aujourd'hui définir la conscience, ni quels sont les circuits de neurones nécessaires et suffisants pour en être doté. Rien n'indique donc qu'il sera possible d'observer un jour l'émergence d'une conscience phénoménale - la capacité de dire je - dans une structure privée d'informations sensitives ou sensorielles.
Enfin, nous savons qu'un individu est conscient parce qu'il nous dit qu'il l'est. Mais comment interroger un organoïde ? L'éventualité qu'il puisse ressentir une douleur est tout aussi énigmatique : on connaît les circuits de la nocicep[...]
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