INTERVIEW. "Les cellules immunitaires du cerveau participent à son bon fonctionnement"

Capables d'éliminer certains pathogènes ou de réparer les connexions neuronales endommagées, les microglies jouent aussi bien d'autres rôles, que les scientifiques commencent à décrypter.

Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir - Les Indispensables n°207, daté octobre/ décembre 2021.

Sonia Garel est neurobiologiste et professeur au Collège de France.

Sciences et Avenir : Le cerveau est un organe à part : protégé des cellules présentes dans la circulation sanguine par la boîte crânienne, mais surtout par une barrière physiologique… Est-il donc isolé du système immunitaire ?

Sonia Garel : On a longtemps pensé qu'il l'était en partie. La barrière hémato-encéphalique, qui régule les échanges entre le sang et le cerveau, agit comme un véritable filtre et empêche l'entrée des agents pathogènes et des molécules toxiques. Mais elle limite aussi l'entrée des médicaments et des cellules immunitaires présentes dans la circulation sanguine, comme les lymphocytes. À tel point que lorsqu'on greffe un tissu étranger dans le cerveau, celui-ci met bien plus longtemps à le rejeter que d'autres tissus de l'organisme. Forts de cette observation, les biologistes, vers le milieu du 20e siècle, ont parlé de "privilège immunitaire" du cerveau. Mais cette vision a été largement revisitée.

Pour quelles raisons ?

D'abord, les neurobiologistes ont montré au cours des années 1990 que les cellules immunitaires circulantes ainsi que des signaux produits par ces cellules, les cytokines, peuvent parfois franchir la barrière hémato-encéphalique et influencer le cerveau, la cognition, en conditions normales. Ces signaux peuvent être amplifiés dans des conditions pathologiques. Par exemple, lors d'une infection banale, ils vont déclencher le "comportement de maladie", une modification globale du comportement qui comprend une baisse d'activité motrice, d'interactions sociales ou d'appétit. En outre, dans des pathologies neurologiques comme des maladies auto-immunes dont la sclérose en plaques, des cellules immunitaires entrent dans le cerveau soit pour attaquer ses composants, soit pour réparer des lésions. Par ailleurs, on sait qu'il y a également des points d'échanges molé[...]

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