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"Insurmontable": l'assassin présumé de leur fille remis en liberté dans l'attente de son procès

La cour d'appel de Rouen a pononcé la remise en liberté de Cédric Patte, mis en examen pour un double assassinat en février 2019. - Charly Triballeau
La cour d'appel de Rouen a pononcé la remise en liberté de Cédric Patte, mis en examen pour un double assassinat en février 2019. - Charly Triballeau

"On ne peut pas reprocher aux magistrats d'avoir appliqué la loi, mais quand on est parties civiles, victimes, on a le sentiment d'être abandonnés." Les parents de Caroline Noureux sont toujours sous le choc près d'une semaine après la décision de la Cour d'appel de Rouen de remettre en liberté Cédric Patte, l'assassin présumé de leur fille et du nouveau compagnon de cette dernière.

Une décision qui intervient après quatre années de détention provisoire, alors que l'instruction n'est toujours pas close et qu'aucune date de procès n'est annoncée.

Cédric Patte et Caroline Noureux ont été en couple pendant sept ans. De cette union naît un enfant, un petit garçon âgé de 6 ans au moment des faits. En 2017, alors que leur relation rencontre déjà des difficultés, ils décident de se marier. Insuffisant pour sauver le couple, qui se sépare rapidement d'un commun accord.

La jeune femme alors âgée de 30 ans, cadre de santé dans une maison de retraite, rencontre alors son nouveau compagnon Christophe Granger, employé à la centrale nucléaire de Penly, au nord de Dieppe.

Mis en examen pour "assassinat"

Le 5 février 2019, cela fait quatre ans que ce tout jeune couple s'est installé ensemble au domicile de Christophe Granger, à Eu en Seine-Maritime. Dans la nuit, Cédric Patte fait irruption dans le logement muni d'un fusil de chasse. "Il a toujours expliqué qu'il voulait se suicider devant eux, il ne reconnaît pas l'intentionnalité des tirs", explique à BFMTV.com Me Fabien Picchiottino, l'avocat de Cédric Patte. Caroline Noureux et Christophe Granger sont tués sur le coup.

"Cédric Patte m'a appelée dans la nuit du 4 au 5 février 2019 pour me dire qu'il les avait tués, ce coup de téléphone je l'entends encore dans mes oreilles, c'était épouvantable", souffle Claude Noureux, la mère de la jeune femme.

Cédric Patte est mis en examen en février 2019 pour "assassinat", la justice retient alors le caractère intentionnel et prémédité de l'acte. Il est placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de Rouen. Les expertises psychologiques réalisées dans le cadre de l'instruction évoquent une certaine froideur du mis en cause et tendent, pour certaines, à écarter l'hypothèse d'un acte non-intentionnel.

Une instruction pas clôturée

"La semaine dernière, c'était la première fois qu'on se battait pour qu'il sorte", rappelle Me Fabien Picchiottino. L'instruction dure en effet depuis près de quatre ans. Le juge d'instruction en charge du dossier est tombé malade, il n'a pas été remplacé et le dossier est resté en souffrance, le tout dans un contexte de crise sanitaire. Résultat, alors que les faits sont établis et que l'accusé se dit prêt à s'expliquer devant une cour d'assises, aucun avis d'information n'a été rendu.

L'instruction n'étant pas clôturée, le procès ne peut toujours pas avoir lieu et Cédric Patte reste incarcéré. Sauf que le délai maximum en matière criminelle de quatre ans de détention provisoire allait être atteint. La loi prévoit que cette détention provisoire peut exceptionnellement être prolongée de deux fois quatre mois, mais seulement si certaines conditions ressortent du dossier. Ce qui, selon l'avocat du mis en cause, n'est pas le cas dans cette affaire de double assassinat.

"Une des conditions principales est le risque de récidive, explique Me Picchiottino. Le juge d'instruction n'a jamais retenu ce risque, il aurait fallu tordre la loi pour que la chambre de l'instruction de la cour d'appel le retienne."

"Une décision juridique logique"

"Sur le plan juridique, la décision est logique mais sur le plan humain c'est très choquant, estime Me Stéphanie Audra-Moisson, avocate de la famille Noureux. Quand on est en souffrance de la perte d'un enfant, l'aspect juridique est difficilement acceptable."

"Nous sommes sidérés par cette décision", reconnaissent Stéphane et Claude Noureux, les parents de Caroline.

Cédric Patte est désormais libre sous contrôle judiciaire avec des pointages plusieurs fois par semaine au commissariat, l'obligation de résider dans la Somme et l'interdiction d'aller dans certains lieux ou de contacter certaines personnes. Du côté des parties civiles, on redoute forcément un risque de fuite. D'autant que désormais, l'accusé étant libre, l'audiencement de cette affaire ne sera plus prioritaire. Me Picchiottino assure que cette libération va permettre à son client de "préparer sa défense sereinement".

"J'espère qu'il ne prendra pas la fuite et qu'il se présentera devant la cour comme il l'a affirmé devant la cour d'appel", intime Me Audra-Moisson.

Article original publié sur BFMTV.com