Instagram impose des « comptes ado » pour les mineurs de 13 à 17 ans, voici comment ils vont fonctionner
RÉSEAUX SOCIAUX - Régulièrement sous le feu des critiques en raison de son inaction en matière de prévention des risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux chez les plus jeunes, le groupe Meta a fini par réagir. Ce mardi 17 septembre, la maison mère de Facebook, WhatsApp et Instagram a annoncé la création de « comptes adolescents » censés mieux protéger les utilisateurs mineurs des dangers liés à Instagram. L’application est notamment accusée de nuire à la santé mentale des adolescents.
« C’est une mise à jour importante, conçue pour que les parents aient l’esprit tranquille », résume auprès de l’AFP Antigone Davis, vice-présidente du groupe californien chargée des enjeux de sécurité. Les adolescents s’inscrivant au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada et en Australie seront les premiers à pouvoir ouvrir ces comptes dédiés aux jeunes utilisateurs. La France, tout comme les autres pays de l’Union européenne, doit quant à elle y avoir accès « d’ici la fin de l’année ».
Des comptes privés gérés par les parents
Comment vont fonctionner ces « comptes adolescents » ? En pratique les utilisateurs âgés de 13 à 15 ans auront désormais des comptes privés par défaut, avec des garde-fous encadrant les personnes qui peuvent les contacter et les contenus qu’ils peuvent voir.
Pour permettre aux parents de suivre les échanges de messages de leur ado, mais aussi savoir qui sont les amis qu’ils partagent avec tous leurs interlocuteurs, des outils de supervision seront mis à leur disposition. « Grâce à la supervision parentale, il sera désormais possible pour un parent de bloquer l’usage du compte de son adolescent sur la plateforme sur une période définie », explique Meta dans un communiqué.
Par ailleurs, si les adolescents veulent passer sur un profil public - parce qu’ils désirent devenir influenceurs, par exemple - et ainsi avoir moins de restrictions, ils devront obtenir la permission de leurs parents. Et ce, qu’ils soient déjà inscrits ou nouveaux sur la plateforme. « C’est un changement fondamental (...) pour nous assurer que nous faisons vraiment les choses bien », assure Antigone Davis.
Meta a également annoncé durcir sa politique en matière d’âge. « Nous savons que les ados peuvent mentir sur leur âge, notamment pour essayer de contourner ces protections », remarque Antigone Davis. Désormais, si un adolescent essaie de modifier sa date de naissance, « nous allons lui demander de prouver son âge ».
Des pressions de plus en plus fortes sur Meta
Si Meta réagit, c’est que la pression monte depuis un an contre lui. En octobre dernier, une quarantaine d’États américains ont porté plainte contre les plateformes du groupe de Mark Zuckerberg, leur reprochant de nuire à la « santé mentale et physique de la jeunesse », à cause des risques d’addiction, de cyber-harcèlement ou de troubles de l’alimentation.
De Washington à Canberra, les élus travaillent sur des projets de loi pour mieux protéger les enfants en ligne. L’Australie devrait ainsi bientôt fixer entre 14 et 16 ans l’âge minimal pour utiliser les réseaux sociaux.
Meta refuse pour l’instant de contrôler l’âge de tous ses utilisateurs, au nom du respect de la confidentialité. « Si nous détectons que quelqu’un a certainement menti sur son âge, nous intervenons, indique Antigone Davis, mais nous ne voulons pas obliger trois milliards de personnes à fournir une pièce d’identité. »
Selon la dirigeante, il serait plus simple et plus efficace que le contrôle de l’âge ait lieu au niveau du système d’exploitation mobile des smartphones, c’est-à-dire Android (Google) ou iOS (Apple). « Ils disposent d’informations significatives sur l’âge des utilisateurs », argumente-t-elle, et pourraient donc « les partager avec toutes les applications utilisées par les adolescents ».
« L’appli conduit l’enfant dans des spirales infernales »
Pas sûr cependant que ce renforcement de protections existantes suffise à rassurer les gouvernements et associations de défense des consommateurs. « Instagram crée une dépendance. L’appli conduit les enfants dans des spirales infernales, où on leur montre non pas ce qu’ils veulent voir, mais ce dont ils ne peuvent pas détourner le regard », estime Matthew Bergman.
Cet avocat a fondé en 2021 une organisation pour défendre les « victimes des réseaux sociaux » en justice. Elle représente notamment 200 parents dont un enfant s’est suicidé « après y avoir été encouragé par des vidéos recommandées par Instagram ou TikTok ».
Matthew Bergman cite aussi les nombreux dossiers où des jeunes filles ont développé des troubles alimentaires graves. Meta empêche déjà la promotion de régimes extrêmes sur ses plateformes, entre autres mesures prises ces dernières années. « Ce sont des petits pas, dans la bonne direction, mais il y a tellement plus à faire », juge l’avocat américain. Il suffirait selon lui que les géants d’Internet rendent leurs plateformes moins addictives - « et donc un peu moins rentables » - sans perdre leurs qualités pour les utilisateurs, pour communiquer ou explorer des centres d’intérêt.
En juin, les instances sanitaires des États-Unis ont appelé à obliger les réseaux sociaux à afficher des informations sur les dangers courus par les mineurs, comme les messages de prévention sur les paquets de cigarettes. Auditionné par le Congrès fin janvier, le patron de Meta Mark Zuckerberg avait présenté de rares excuses aux parents de victimes, se disant « désolé pour tout ce que vous avez vécu ».
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