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Inondations et crues : les solutions pour protéger les villes ne reposent pas que sur les digues

Alors que les Hauts-de-France ont été inondés par des crues exceptionnelles, Emmanuel Macron a annoncé mardi 14 novembre un « grand plan de curage » des cours d’eau.
CHARLES CABY / AFP Alors que les Hauts-de-France ont été inondés par des crues exceptionnelles, Emmanuel Macron a annoncé mardi 14 novembre un « grand plan de curage » des cours d’eau.

ENVIRONNEMENT - Mieux anticiper, pour mieux protéger. Le Nord, le Pas-de-Calais, la Charente-Maritime, la Haute-Savoie... Depuis début novembre, de nombreux départements sont frappés par des tempêtes et des précipitations intenses provoquant des crues exceptionnelles. Les dégâts engendrés ont obligé le gouvernement à débloquer des « fonds exceptionnels » de soutien aux habitants et agriculteurs sinistrés.

« Maintenant il faut tirer les leçons », a lancé Emmanuel Macron lors d’un déplacement à Blendecques dans le Pas-de-Calais mardi, annonçant un futur « grand plan de curage et d’entretien des cours d’eau ». Le chef d’État a par ailleurs appelé à s’inspirer de nos voisins « néerlandais » pour améliorer les dispositifs d’évacuation des eaux.

Dispositifs suffisants ?

Certaines catastrophes, comme les inondations de Nîmes en 1988 ou la tempête Xinthya en 2010, ont provoqué des déclics et ont permis d’améliorer les dispositifs de prévention, explique Nicolas Camphuis, codirecteur du Centre européen de prévention des risques d’inondation. Il existe désormais une panoplie d’actions dans l’Hexagone : « on a des réglementations sur l’urbanisation pour limiter et adapter les habitations en zone inondable. On a aussi des outils sur l’information des populations. Ou encore des réglementations concernant les digues », énumère l’expert.

Mais face aux inondations extrêmes des derniers jours dans les Hauts-de-France, détruisant même un système d’endiguement à Blendecques, une question est remontée à la surface : les dispositifs d’adaptation actuels sont-ils suffisants face au dérèglement climatique ?

De fait, le lien entre changement climatique et augmentation des crues n’est pas encore statistiquement perceptible, mais les scientifiques assurent que les épisodes de pluies extrêmes sont nettement plus violents à mesure que le climat se réchauffe. Le Giec estime ainsi que l’intensité de tels épisodes augmente de 7 % à chaque degré de réchauffement supplémentaire.

Adapter le bâti

Pour mieux s’adapter à ces pluies violentes, le premier chantier porte sur l’entretien de nos rivières, comme l’a proposé Emmanuel Macron. Effectivement, le curage « contribue à ce que l’eau reste le plus longtemps possible dans le cours d’eau avant de déborder dans sa vallée », note Nicolas Camphuis. Mais malheureusement, selon l’expert, ce n’est pas suffisant face à des crues de l’ampleur de ces derniers jours.

Deuxième volet, celui de la « prévention ». Nicolas Camphuis insiste sur l’importance « de mieux anticiper les dommages dans chaque habitation, chaque entreprise, chaque hôpital », en faisant les travaux nécessaires pour adapter le bâti aux crues. Il donne l’exemple du bâtiment du journal Le Monde à Paris (dans lequel est la rédaction du HuffPost), situé en zone inondable, mais entièrement pensé par les architectes pour subir des crues, avec sa forme en pont. À Romorantin (Loir-et-Cher), c’est un quartier entier qui a été aménagé face aux risques de submersion, avec des maisons sur pilotis et des parkings surélevés.

Les digues ne font pas des miracles

Troisième point : les solutions techniques. Parmi elles, les digues, qui empêchent l’eau d’entrer dans une zone que l’on veut protéger, et les barrages qui permettent de retenir l’eau en amont d’un cours d’eau. « Ces deux ouvrages sont complémentaires », souligne Rémy Tourment, ingénieur spécialiste des ouvrages hydrauliques à l’Inrae.

« Les digues et les barrages sont fiables et efficaces, mais à une certaine limite de hauteur de crues », poursuit le chercheur. Il note par ailleurs que certaines digues vieillissantes peuvent être dangereuses, « à la moindre brèche, les dégâts peuvent être pires que s’il n’y avait pas de digue ». C’est pourquoi, Rémy Tourment, souligne l’importance de créer des « tronçons de digues qui résistent à la subverse ».

Le rôle « tampon » des plaines inondables

« Les digues, les barrages ou encore la modification du tracé de la rivière sont des solutions souvent illusoires », estime de son côté l’Office français de la biodiversité, qui préconise, sur son site, une quatrième piste : la préservation des plaines inondables. Ces dernières jouent un rôle de « tampon vis-à-vis des crues », en permettant l’excès d’eau de se répandre sur de grandes surfaces. Mais ces zones sont souvent aménagées par l’Homme pour construire des maisons par exemple ou utilisées comme terres agricoles, et perdent ainsi tout leur bénéfice.

Rémy Tourment ajoute une cinquième solution : les structures « fondées sur la nature ». Tout comme les barrages, les haies et les buissons peuvent en effet retenir l’eau en amont et diminuer les pics de crue en aval, explique le chercheur. On peut aussi imaginer des systèmes fonctionnant comme des digues empêchant l’eau de rentrer dans les villes construits avec « des remblais, des arbres et des bras morts », ajoute-t-il.

Si la nature a des solutions, pourquoi ne sont-elles pas mises en place dans l’Hexagone ? « Le frein, c’est le foncier, les solutions basées sur la nature prendraient de la place », répond Rémy Tourment. Mais la barrière est surtout « psychologique », pointe le chercheur, avec des ingénieurs qui connaissent sur le bout des doigts le fonctionnement des barrages et des digues, tandis que « les nouveaux concepts fondés sur la nature comportent, pour eux, beaucoup d’incertitudes ».

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