Injections illégales de botox: prison requise contre deux soeurs
Le parquet a requis mercredi de la prison, ferme ou avec sursis, contre deux soeurs de 22 et 25 ans très présentes sur les réseaux sociaux, poursuivies pour des centaines d'injections illégales de botox et acide hyaluronique, comparant ces injections à un "trafic de stupéfiant".
Quatre ans de prison dont un an ferme ont été requis contre l'aînée, une esthéticienne qui se présentait comme "Dr Lougayne", sur SnapChat et Instagram, et deux ans de prison avec sursis contre sa cadette de 22 ans, qui a reconnu l'avoir assisté.
Elles comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Valenciennes (Nord) pour "exercice illégal de la profession de médecin", et "blanchiment aggravé".
L'aînée, détenue, est également poursuivie pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "blessures involontaires".
Car certaines victimes gardent encore des séquelles: abcès au menton nécessitant une opération d'urgence, éruption cutanée sévère, bouche partiellement paralysée, paupières tombantes, boules ou tâches sur les lèvres, voire nécroses.
La procureur, qui a aussi requis une obligation d'indemnisation des victimes, a souligné "le parallèle assez facile à faire avec le trafic de stupéfiants": "ce sont des personnes qui se sont livrées à un business particulièrement dangereux et lucratif".
Cheveux noirs sagement tirés en arrière et lèvres gonflées à l'acide hyaluronique, les deux soeurs ont assuré avoir voulu "embellir" leurs clientes, reconnaissant les injections, mais pas les effets secondaires dévastateurs détaillés à l'audience mercredi par les parties civiles.
"J'avais l'impression de ressembler à un lépreux", raconte à l'audience le seul homme parmi les plaignants, un quinquagénaire qui s'est fait injecter du botox.
"Je ne pouvais pas toucher mon visage tellement c'était douloureux. Aujourd'hui, j'ai toujours du mal à maintenir mes paupières ouvertes suite aux injections", poursuit-il. "Je vais devoir être opéré."
- Téléréarité -
Selma, 24 ans, dit avoir contacté "Dr Lougayne" après qu'un candidat de téléréalité "a assisté à une session d'injections avec elle".
"Maintenant j'ai des tâches brunes sur les lèvres, je suis complexée", regrette la jeune fille, qui ne souhaite pas donner son nom. "J'ai été bête, j'ai fait confiance."
Soulignant un "problème de santé publique", l'avocate du Syndicat national de chirurgie plastique et reconstructrice et esthétique (SNCPRE), Laetitia Fayon, a souligné que dans la "chasse aux fake injectors, les victimes sont trop peu présentes", par "honte" ou par "peur".
Les gendarmes, qui ont identifié et contacté eux-mêmes certaines victimes, décomptent au moins 600 clients entre janvier 2021 et juillet 2023. Une trentaine sont parties civiles.
"Vous saviez que ce n'était pas légal ?" tance la présidente. "Oui", répond l'aînée et principale mise en cause, avec aplomb. "C'était une mode sur les réseaux sociaux et j'étais intéressée par embellir la femme, c'était ma passion", se justifie-t-elle. "Je ne mesurais pas la gravité de la chose".
Diplômée d'un CAP esthétique en 2020, elle propose des injections dès 2021, et assure avoir suivi quatre formations, l'une en Belgique, et d'autres avec des formatrices russes ou ukrainiennes.
- 50.000 abonnés -
A partir de 2022, elle se fait appeler Dr Lougayne, et se présente comme "cosmétologue", arborant une blouse blanche à son nom.
"Mais les clients savaient que je n'étais pas médecin", assure-t-elle. "Aucun médecin ne fait des injections à 200 euros."
Fort de ses 50.000 abonnés sur les réseaux sociaux, son activité s'accélère, et des sessions d'injection sont organisées dans des salons de coiffure, d'esthétique, voire à domicile dans les Hauts-de-France et en région parisienne.
Mais en mars 2023, la gendarmerie de Villeneuve-d'Ascq (Nord) se penche sur les profils SnapChat et Instagram du "Dr Lougayne", particulièrement actifs, et identifie leur propriétaire.
Le 14 mai, lors d'une session à Valenciennes, les gendarmes interpellent les deux soeurs.
A leur domicile, ils saisissent une centaine de seringues, ainsi que des fioles d'acide hyaluronique et de botox venues notamment de Russie ou de Corée.
Les produits présentaient un taux de bactéries jusqu'à "cinquante fois supérieur aux seuils maximum autorisés", a rappelé le tribunal mercredi.
Ils retrouvent également 14.000 euros en liquide, des articles de luxe et deux grosses cylindrées.
Les enquêteurs estiment, sur la foi notamment des acomptes PayPal, que l'activité a rapporté au moins 120.000 euros en moins de trois ans.
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