INFO BFMTV. Taxi agressé dans la Sarthe: le suspect radicalisé projetait une prise d’otages dans une synagogue

Mis en examen le 22 juillet dernier, notamment pour "tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et "association de malfaiteurs terroriste", puis incarcéré, Dereck R., 26 ans, avait fait allégeance à Daesh et voulait "venger ses frères, victimes des chiites et des juifs".

Il a mobilisé des dizaines de policiers pendant plus de 48 heures. Dereck R., 26 ans, a été au cœur d’une traque tous azimuts menée par les enquêteurs de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et de la sous-direction antiterroriste (SDAT), à quelques jours de l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris.

Interpellé le vendredi 19 juillet, peu après minuit, à Poissy (Yvelines) alors qu'il venait de se faire livrer des sushis, Dereck R., soupçonné d’avoir tenté d’égorger un chauffeur de taxi avec une feuille de boucher du coté de la commune de La Ferté-Bernard (Sarthe), trois jours plus tôt, a été aussitôt placé en garde à vue.

Selon les informations de BFMTV, l'exploitation de ses téléphones a révélé qu’il avait effectué des recherches sur des restaurants casher et sur un cinéma au Mans, mais également sur l’émir du groupe terroriste de l’organisation État islamique (EI) au Khorassan ainsi que sur l’appel au jihad.

L'examen approfondi de ses mobiles a aussi permis de mettre en évidence "sa profonde fascination pour les terroristes ayant commis des actions violentes en France" et "les groupes terroristes en Asie", plus particulièrement l'organisation terroriste EI.

Les enquêteurs antiterroristes ont encore découvert une vidéo le mettant en scène alors qu’il était dans le taxi de sa victime. Il s'y exprime, tour à tour, en français et en arabe et explique agir au nom du prophète Mahomet, avant de souhaiter mourir en martyr. Des photos de membres des forces de l’ordre prises à leur insu ont également été retrouvées dans ses téléphones.

Toujours selon les informations de BFMTV, lors de ses auditions, Dereck R. a reconnu s'être rendu en trottinette, au cours de la journée du mardi 16 juillet, devant une synagogue avec l’intention d'y commettre une prise d’otages. Une patrouille de gendarmerie aperçue à proximité du lieu de culte l’a dissuadé de mener à terme son funeste projet.

Il a ensuite eu l’idée de s’en prendre à des clients d’un grand cinéma du Mans, avant de renoncer faute de pouvoir s’y rendre, alors que la batterie de sa trottinette était déchargée. Il a alors regagné le domicile de sa tante chez laquelle il était hébergé, avant de dîner puis de fomenter un nouveau projet de prise d’otages dans la société agro-alimentaire Socopa, située dans la banlieue de La Ferté-Bernard où il voulait se faire déposer en taxi.

Au fil de sa garde à vue, il a affirmé "ne pas vouloir tuer des femmes et des enfants" mais s’est revendiqué comme "un soldat de l'État islamique" et espérer "la libération par Allah". Il a aussi reconnu que la vidéo retrouvée dans son téléphone était une vidéo d’allégeance à l’émir de l’État islamique.

Questionné sur son imprégnation religieuse, il a assuré s’être radicalisé en prison au contact d’autres détenus radicalisés.

Il a nié avoir voulu tuer le chauffeur de taxi, avant d’être mis en examen, le lundi 22 juillet, notamment pour "tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et "association de malfaiteurs terroriste", puis placé en détention provisoire.

Trois autres personnes, - un homme et deux femmes, dont une de ses sœurs -, ont aussi été mises en examen. Deux d’entre elles ont été incarcérées. La troisième a été placée sous contrôle judiciaire.

Libéré du centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne), le 26 juin, Dereck R., né au Mans, devait pointer tous les jours au commissariat de son lieu de résidence.

Le 17 juillet dernier, ce jeune homme, - qui compte dix-neuf condamnations à son casier judiciaire pour des faits de droit commun -, ne répond plus à son téléphone. A la mi-journée, sa mère et l’une de ses sœurs se présentent devant la police pour signaler sa disparition. Les deux femmes sont très inquiètes. Incarcéré entre les mois d’août 2021 et juin 2024, Dereck R. s’était montré irréprochable depuis sa sortie de prison.

Sa sœur trouve même qu’il a changé, qu’il est "devenu calme" et s’est "investi dans la religion". Finie l’alcool pour son grand frère qui observe les cinq prières quotidiennes de l’Islam et fréquente assidûment une mosquée du Mans où il « passe sa vie », selon ses propres termes.

Sa mère met en exergue sa "pratique de plus en plus rigoriste" de la religion musulmane. Avant de quitter le commissariat, sa soeur confie encore qu’"avant, il avait un intérêt pour la vie, alors que là, on dirait qu’il ne ressent plus rien".

Des propos qui font rapidement écho à un fait divers qui s’est produit quelques heures plus tôt, non loin de la commune de La Ferté-Bernard où Dereck R. a grandi.

Dans la nuit du 16 au 17 juillet, vers 1h30 du matin, un chauffeur de taxi est très violemment agressé par un client qu’il a pris en charge au Mans. Ce dernier, coiffé d’un kufi, le chapeau traditionnel dans la religion musulmane, et vêtu d’un qamis, l’a ligoté avant de tenter de l’égorger avec une feuille de boucher. La victime est parvenue à se débattre et à repousser la lame de 30 cm avec laquelle son agresseur avait commencé à lui entailler l’épiderme.

Devant la photo de Dereck R., le chauffeur reconnaît aussitôt son agresseur. C’est aussi son numéro de téléphone qui a contacté le centre d’appels afin de réserver ce taxi.

Saisis des investigations, les enquêteurs antiterroristes recueillent le témoignage de la victime: au cours de son périple en taxi, Dereck R. a évoqué ses "frères musulmans et le Hamas" et vouloir "agir pour la Palestine, les femmes et les enfants morts". Il a aussi exprimé sa volonté de s’en prendre aux forces de l’ordre et mentionné avoir sur lui "une ceinture d’explosif".

En montant dans le taxi, outre sa feuille de boucher, Dereck R. était aussi armé d’un fusil à canon scié et d’un pistolet.

Son profil est qualifié de "particulièrement inquiétant": il est enregistré comme "détenu de droit commun radicalisé en détention", fait l’objet d’une fiche S au titre de Sûreté de l’Etat et est suivi par les policiers du Renseignement territorial (RT).

Les informations remontées par l’administration pénitentiaire dévoilent sa fervente pratique de la religion musulmane et son prosélytisme envers d’autres détenus.

Placé en détention provisoire, à l’été 2021, pour des faits de "destruction par moyen dangereux" et "vols aggravés », Dereck R., - qui a adopté comme kunya (son nom de guerre en arabe) Abu Abdallah -, est avant tout un délinquant de droit commun qui a multiplié les vols, les recels, les menaces, les dégradations, les violences, les outrages et les trafics de stupéfiants. Il a également été mis en examen pour des faits de "viol" commis en 2019.

Issu d’une fratrie de neuf demi-frères et sœurs, il a été placé en foyer, a quitté l’école en classe de 3ème, et a effectué son premier passage en prison alors qu’il était encore mineur.

Un expert-psychiatre a mis en évidence son "intolérance à la frustration", "une impulsivité", "un potentiel d’agressivité" et "des traits de caractère asociaux". Le même relève encore que Dereck R. "n’a jamais compris les règles et les limites imposées par un fonctionnement sociétal et fait preuve de peu de culpabilité".

Les enquêteurs ont exploré son parcours carcéral, de l’été 2021 à l’automne 2023, entre la maison d’arrêt du Mans, le centre pénitentiaire de Rennes (Ile-et-Vilaine) et le centre de détention du Val-de-Reuil (Eure).

Là, l’administration pénitentiaire constate qu’il "arbore une barbe fournie", "se consacre avec ferveur à la prière" et "lit le Coran avec assiduité". Dereck R. y fait montre d’une "attitude prosélyte": à son contact, certains détenus changent de comportement, se mettent à porter la barbe, adoptent "une hygiène irréprochable" et partagent "des livres sur l’Islam".

Il est ensuite transféré vers le quartier d’évaluation de la radicalisation à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne) où sa "pratique rigoriste" de la religion se confirme, accompagnée d’un "discours anti-institutionnel".

Mais c’est dans le quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) du centre de détention d’Alençon-Condé-sur-Sarthe qu’il croise la route de détenus, notamment condamnés pour des faits de terrorisme. Il côtoie notamment Othman Garrido, décrit comme un vétéran du djihadisme. Ce dernier avait été condamné, en son absence, au printemps 2017 à 15 ans de réclusion criminelle pour avoir notamment rejoint, dès 2012, les rangs de Daech en Syrie.

Dereck R. a également échangé avec Alexandre Benon qui a écopé de 15 ans de réclusion criminelle, en avril 2023, pour un projet d’action violente ciblant les abords du Palais de l’Élysée et des policiers en faction. Il a aussi échangé avec Julien Le Pardo condamné à 7 ans de prison pour avoir tenté de rejoindre la zone syro-irakienne en février 2016, puis à 3 ans pour apologie du terrorisme. Sollicité, l’avocat de Dereck R. n’a pas donné suite.

Article original publié sur BFMTV.com