Incursion ukrainienne: la Russie doit "ressentir" les conséquences de la guerre, selon Zelensky
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé ce jeudi 8 août que la Russie, qui fait face depuis trois jours à une incursion armée dans la région frontalière de Koursk, devait à son tour "ressentir" les conséquences du conflit qu'elle a déclenché contre l'Ukraine en février 2022.
"La Russie a apporté la guerre à notre pays et devrait en ressentir" les effets, a déclaré Volodymyr Zelensky dans son allocution quotidienne, sans mentionner explicitement la récente entrée de troupes ukrainiennes en Russie.
Les forces russes font face jeudi, pour le troisième jour consécutif, à une incursion majeure des troupes ukrainiennes dans la région frontalière de Koursk, un revers inattendu pour la Russie dont l'armée était à son avantage jusque-là sur le front.
Une conséquence de l'invasion russe en Ukraine
Le conseiller du président Zelensky, Mykhaïlo Podoliak, a lui aussi affirmé que cette offensive surprise est une conséquence de "l'agression" russe en Ukraine, sans pour autant l'attribuer clairement aux forces de Kiev.
"Désormais, une grande partie de la communauté internationale considère la Russie comme une cible légitime pour les opérations de n'importe quel type et avec n'importe quelle arme", a-t-il ajouté, alors que de nombreux pays occidentaux ont interdit à l'Ukraine d'utiliser les armes qu'ils lui fournissent pour frapper le territoire russe.
La veille, à la télévision ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak avait jugé que, pour obtenir quelque chose de Moscou à "la table des négociations", il ne fallait pas que le conflit suive "le scénario" établi par les Russes.
"L'opération de destruction des formations de l'armée ukrainienne se poursuit", a déclaré jeudi le ministère russe de la Défense, assurant les empêcher de "pénétrer profondément" dans la région. Il a publié des vidéos filmées par des drones et montrant, selon lui, la destruction de soldats et véhicules ukrainiens qui ont pénétré dans la région de Koursk.
Une "provocation à grande échelle"
Si la communication officielle russe se veut rassurante - les autorités régionales évoquant encore jeudi une situation "stable et sous contrôle" -, le tableau dressé par des experts militaires est plus alarmiste.
L'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), qui siège aux États-Unis, a estimé dans son dernier rapport que les Ukrainiens avaient avancé jusqu'à dix kilomètres de profondeur et traversé "au moins deux lignes de défense russes". Selon plusieurs analystes, les soldats ukrainiens ont atteint Soudja, une ville russe d'environ 5.500 habitants située à une dizaine de kilomètres de la frontière et qui abrite un hub de gaz fournissant toujours l'Europe via l'Ukraine.
Ce jeudi, la chaîne Telegram Rybar, proche de l'armée russe, a affirmé que Soudja était "pratiquement sous le contrôle" des forces ukrainiennes et que l'armée russe n'était plus présente qu'à un rond-point. Selon cette source, les Ukrainiens ont aussi progressé en direction de la ville de Korenevo, à plus de 25 kilomètres de la frontière, et des combats sont toujours en cours dans des localités de ce secteur.
Rybar souligne que, contrairement aux précédentes incursions en Russie, revendiquées par des groupes paramilitaires alliés à Kiev, celle-ci est entièrement menée par l'armée régulière ukrainienne. Des chaînes Telegram d'observateurs militaires ukrainiens ont diffusé des images de drone, non vérifiées, montrant ce qui est présenté comme étant des soldats russes se rendant.
Mercredi, Vladimir Poutine était apparu visiblement en colère à la télévision russe, dénonçant une "provocation à grande échelle" de l'Ukraine et l'accusant de frapper aveuglément des bâtiments civils.
3.000 personnes évacuées
Bien que l'ampleur de la progression des militaires ukrainiens ne soit pas claire, le géant Gazprom a assuré ce jeudi continuer à livrer quotidiennement, comme à son habitude, son gaz via Soudja. Ce gaz transite ensuite par l'Ukraine à destination notamment de la Slovaquie et de la Hongrie, dont le Premier ministre Viktor Orban est bien disposé à l'égard de Vladimir Poutine.
Par ailleurs, les autorités de la région de Koursk ont affirmé jeudi avoir été visées par une attaque informatique ayant rendu "temporairement indisponibles" de "nombreux services". Mercredi, elles avaient instauré l'état d'urgence et affirmé qu'au moins cinq civils avaient trouvé la mort et 31 avaient été blessés, dont des enfants. Environ 3.000 personnes ont déjà été évacuées.
Dans la région russe voisine de Belgorod, deux personnes ont été tuées et une autre blessée jeudi dans des frappes ukrainiennes, d'après le gouverneur. Côté ukrainien, selon les autorités, au moins cinq civils ont péri jeudi dans des bombardements russes, dont deux dans la région de Soumy (nord) qui fait face à celle, russe, de Koursk.
À Kiev, les Ukrainiens interrogés par l'AFP ont fait part de leur enthousiasme face à cette incursion en territoire russe.
"Faisons comprendre aux Moscovites ce qu'est la guerre", a déclaré Volodymyr Borodyansky, employé du secteur touristique.
L'incursion ukrainienne en Russie intervient alors que l'armée russe est à l'offensive depuis plusieurs mois en différents points du front, notamment dans la région orientale de Donetsk. Mi-mai, les militaires russes ont également lancé une offensive dans la région ukrainienne de Kharkiv (nord-est), stoppée dans la cité de Vovtchansk par Kiev, qui a néanmoins dû y dépêcher de précieuses ressources.