Avec son incursion à Koursk, l’Ukraine brise le tabou de l’utilisation des armes occidentales en Russie… avec le soutien de ses alliés
Les alliés de Kiev continuent à lui afficher leur soutien dans sa lutte contre l’envahisseur russe, même après le tournant que constitue l’offensive surprise en Russie.
Les preuves sont là. Pour son incursion inédite en Russie, l’Ukraine utilise bel et bien des armes fournies par ses alliés. Plus de dix jours après le début de cette opération d’ampleur de l’autre côté de la frontière, Volodymyr Zelensky a revendiqué ce samedi 17 août « un renforcement des positions » des forces ukrainiennes dans la région de Koursk. Au moins 82 localités russes ont été prises, selon Kiev, qui voudrait forcer la Russie à créer une « zone tampon ».
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Pour son incursion, l’Ukraine s’est appuyée sur des chars britanniques Challenger 2, ont confirmé jeudi 15 août des enquêtes de la BBC et SkyNews. La chaîne canadienne CBC a pour sa part repéré, sur des séquences tournées par CNN, des véhicules militaires et des tanks Leopard 2A4 de fabrication canadienne pour franchir la frontière.
« Il est apparu clairement que l’Ukraine a utilisé des véhicules, des armes et des munitions fournis par les États-Unis pour mener à bien l’audacieuse opération terrestre en Russie », observe également le New York Times.
Du matériel militaire occidental sur le sol russe, ce n’était pas arrivé depuis la Seconde Guerre Mondiale. Une surprise pour Moscou, mais aussi pour les alliés de l’Ukraine. Outre-Atlantique, l’administration Biden n’a pas été mise au courant du lancement de l’incursion ukrainienne, a confirmé le porte-parole du département d’État, Matthew Miller.
« Il n’est pas rare qu’ils fassent des choses sans nous en informer », confie un fonctionnaire sous couvert d’anonymat à Reuters. Selon le New York Times, les services secrets américains savaient depuis plus d’un an que l’Ukraine avait l’ambition d’une incursion en Russie, mais n’étaient au courant de la localisation envisagée, ni d’une date précise.
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Encore taboue il y a quelques semaines, l’utilisation d’armes occidentales sur le territoire russe aurait pu compliquer les relations entre Kiev et ses alliés. Il n’en est rien. Président de la commission de la défense du Bundestag, le député allemand Marcus Faber a évacué la question dans un entretien avec le Berliner Morgenpost la semaine dernière. « Après la remise des armes à l’Ukraine, elles sont ukrainiennes. Cela s’applique à n’importe quel matériel, y compris le Leopard 2 », dit-il en référence aux chars livrés par l’Allemagne à Kiev.
Le succès de l’opération est d’ailleurs salué en haut lieu aux États-Unis, à l’image du sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham. « Qu’est-ce que je pense de Koursk ? C’est audacieux, brillant, magnifique. Continuez comme ça », s’est fendu celui qui a rencontré Volodymyr Zelensky à Kiev lundi dernier.
EXCLUSIVE - US source tells me that #Ukraine's incursion into #Kursk isn't what the US intended when it gave Kyiv weapons, but that the incursion is technically not a violation of the policy which they agreed upon.
— Fraser Jackson (@FrazJ) August 14, 2024
« Ils ont trouvé une zone de faiblesse dans la position des Russes, l’ont exploitée rapidement et l’ont fait avec beaucoup d’habileté », a déclaré le général Christopher Cavoli, spécialiste de la Russie, relayé par le New York Times.
L’incursion ukrainienne, un moyen de défense
Pour justifier l’utilisation de leurs armes et munitions en Russie, les alliés de Kiev ont adopté des éléments de langage proches : l’incursion ukrainienne constitue en réalité une action défensive. Si Londres n’a pas confirmé l’utilisation de tanks britanniques, le ministère de la Défense a réitéré « le droit évident » à l’Ukraine d’utiliser des armes britanniques pour « se défendre des attaques illégales de la Russie ». « Cela n’exclut pas des opérations à l’intérieur de la Russie », a ajouté un porte-parole à la BBC.
Même son de cloche côté canadien : « Les Ukrainiens savent le mieux comment défendre leur territoire (...). Le Canada n’exerce pas de restriction géographique sur l’utilisation de l’équipement militaire que nous (leur) donnons », a assuré Andrée-Anne Poulin, porte-parole du ministère de la Défense citée par CBC.
Une « consultation d’experts juridiques au sein des pays de l’OTAN » a conclu que « le droit à la légitime défense couvre également le droit à la contre-attaque », a aussi estimé Baiba Braze, le ministre letton des Affaires étrangères, à la BBC.
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