Incendies de Los Angeles: pourquoi Trump utilise l'éperlan du Delta comme "bouc émissaire"

Haro sur le poisson. Alors qu'il se rend vendredi 24 janvier en Californie pour son premier déplacement en tant que 47e président des États-Unis afin de constater les dégâts des violents incendies qui touchent Los Angeles, Donald Trump n'a de cesse d'accuser les efforts de protection d'un poisson, l'éperlan du Delta, d'avoir aggravé les sinistres.

Sur le site de la Maison Blanche figure même un mémo à ce sujet, adressé au secrétaire de l'Intérieur. Nommé "Mettre l'humain au-dessus du poisson: mettre un terme à l'environnementalisme radical pour approvisionner en eau la Californie du Sud", ce document exige de "reprendre immédiatement les travaux" afin d'acheminer davantage d'eau du delta de Sacramento-San Joaquin" vers "les habitants qui ont désespérément besoin d'un approvisionnement en eau fiable."

Ces sorties, couplées à des messages du président américain sur sa plateforme Truth Social et consolidées par un décret signé dès son retour lundi à la Maison Blanche, ont suscité des critiques de la part de la communauté scientifique.

Méconnaissance des efforts environnementaux

Selon des experts, l'éperlan du Delta n'a qu'un rapport minimal avec l'approvisionnement en eau de Los Angeles, malgré sa récente mention dans un décret signé par Donald Trump, revenant sur des mesures de protection d'espèces, et visant le détournement des eaux du Delta dans le nord de l'État.

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Dans ce décret demandant aux agences environnementales de traiter en priorité "les citoyens plutôt que les poissons" et d'arrêter "l'écologisme radical" en Californie, il a réaffirmé l'existence d'un lien entre la protection de l'éperlan du Delta et l'approvisionnement en eau des régions touchées par les récents incendies.

Des propos qui reflètent une méconnaissance des efforts environnementaux mis en place par la Californie, soulignent certains scientifiques, et dans un même temps, encouragent le scepticisme face aux enjeux climatiques.

Il s'agit de trouver "un bouc émissaire responsable de tous nos problèmes, dans ce cas, les incendies et la sécheresse, et de concentrer la colère" du public sur un petit poisson, a expliqué à l'AFP John Buse, conseiller juridique en biodiversité.

Crise de l'eau

La Californie connaît une crise complexe de l'eau, amplifiée par le changement climatique et les épisodes de sécheresse, et l'éperlan du Delta n'est pas au coeur du problème, selon les scientifiques.

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La population de ce poisson était autrefois abondante au nord de l'estuaire, explique Peter Moyle, spécialiste de l'espèce à l'Université de Californie à Davis.

Mais la dégradation de son habitat, suite aux besoins agricoles et urbains ainsi qu'une exposition à la pollution en ont fait une espèce menacée dès 1993.

Les pompages massifs d'eau du nord vers le sud nuisent à l'éperlan et à d'autres espèces aquatiques du Delta, ce qui nécessite une redirection des courants pour la survie de celles-ci.

Mais ces mesures ont un impact quasiment nul sur l'apport en eau à Los Angeles, et par extension sur la gestion des incendies dans la région, soulignent des spécialistes.

En témoigne le niveau d'eau élevé des principaux réservoirs d'eau à travers l'État -- et plus particulièrement dans le sud -- tout au long du mois de janvier, selon des données officielles consultées par l'AFP.

Cible facile

Même lors d'années de sécheresse, les mesures environnementales protégeant l'éperlan du Delta ne représentaient qu'une infime fraction des réductions de l'écoulement d'eau en Californie.

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Le principal facteur déterminant le volume d'eau pompé du nord au sud réside davantage dans le taux de précipitations et la fonte des neiges entrant dans l'estuaire de San Francisco.

Selon Caleb Scoville, sociologue à l'Université Tufts dans le Massachusetts, l'éperlan du Delta, par sa petite taille et son statut relativement méconnu du grand public, est devenu une cible facile pour certaines figures conservatrices, transformant un débat local sur la gestion de l'eau en Californie en un conflit national opposant la protection des écosystèmes à la sécurité des citoyens.

Plutôt que de traiter les causes fondamentales de la crise de l'eau en Californie, dont le réchauffement climatique, Donald Trump préfère y voir un parti pris politique, a-t-il conclu.

Dès son arrivée au pouvoir, Donald Trump a enclenché un nouveau retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat, une marche arrière toute dans la lutte contre le dérèglement climatique qui met en péril les efforts mondiaux pour le freiner.

Article original publié sur BFMTV.com