Incendies à Los Angeles: le retardateur de flamme rose largué sur les feux est-il dangereux pour les habitants?
Une semaine après leur début, les incendies sévissent encore à Los Angeles et risquent d'être attisés par les fortes rafales de vent prévues ce mercredi 15 janvier. Les deux principaux incendies ont parcouru 9.700 hectares dans le quartier huppé de Pacific Palisades et plus de 5.700 dans la cité d'Altadena, juste au nord de Los Angeles. Pour lutter contre ces feux, qui ont fait au moins 25 morts, les pompiers travaillent sans relâche.
Pour les aider, des avions larguent des milliers de litres d'une substance rouge vif ou rose fluo au-dessus des forêts, des maisons et des voitures. Cette matière, qui se détache crûment sur ce décor de panaches grisâtres et de paysages calcinés, est un retardateur de flamme, pour l'essentiel un produit appelé Phos-Chek, utilisé par le Service des forêts depuis les années 1960.
Depuis la semaine dernière, la substance a été larguée au-dessus de quartiers résidentiels sur une échelle "jamais vue", relève Daniel McCurry, professeur associé d'ingénierie civile et environnementale à l'Université de Californie du Sud. Les Californiens doivent-ils s'en inquiéter?
Du phosphate d'ammonium et des additifs
Phos-Chek est commercialisée par Perimeter Solutions, une compagnie de protection contre le feu. C'est un mélange de phosphate d'ammonium, un engrais commun, et de divers additifs, dont de l'oxyde de fer (de la rouille), qui lui donnent sa couleur fluo. Cette teinte vive permet aux pilotes de s'assurer qu'ils ne laissent pas de zones non couvertes au-dessus des incendies, explique Jason Colquhoun, pilote chez HeliQwest, une compagnie d'hélicoptère spécialisée dans la lutte anti-incendie.
Normalement, quand les pilotes larguent de l'eau, ils doivent repérer "le brillant et le sombre" pour savoir où effectuer leur prochain largage. Mais avec cette substance "c'est tellement plus facile de voir", explique-t-il. Autre avantage sur l'eau: la substance ignifuge continue d'opérer même après l'évaporation de l'eau avec laquelle elle est mélangée, dit Daniel McCurry.
Des épaississants apportent une viscosité au produit qui lui évite de dériver de la zone ciblée, ajoute Daniel McCurry, qui a mené des recherches sur les métaux lourds dans ce type de retardateurs de flammes.
Le produit, qui se présente sous la forme d'une poudre, est le plus souvent mélangé dans de grands bassins avant d'être chargé à bord d'avions et d'hélicoptères pour des largages coordonnés, ajoute Jason Colquhoun.
Les largages encadrés
Daniel McCurry explique avoir vu des images où "un feu de brousse arrêtait sa progression exactement sur la ligne jusqu'à laquelle avait été répandu du Phos-Chek". Mais il a un avis mitigé sur le produit. Un ancien pompier lui a expliqué que le produit "ne servait pas à grand chose" dans le cas de feux de haute intensité, comme ceux qui ont fait 25 morts depuis une semaine à Los Angeles et sont toujours hors de contrôle.
Le Service des forêts explique n'utiliser que du retardateur de flamme "qui respecte les critères de l'Agence de protection de l'Environnement assurant qu'ils sont 'quasiment non-toxiques' pour les humains, les mammifères et les espèces aquatiques".
Il interdit les largages sur les plans d'eau et les zones hébergeant des espèces menacées ou en danger -l'exception étant quand "la vie humaine ou la sécurité publique sont menacées" et qu'il est "raisonnable de penser" que le retardateur pourrait juguler le feu, dit-il à l'AFP. Mais des accidents peuvent survenir, avec un changement de direction du vent ou un largage involontaire.
Une ancienne formule de Phos-Chek, le LC95, qui selon les recherches de Daniel McCurry présentait des niveaux élevés de métaux lourds pouvant contaminer l'eau potable, a été retirée dans tous les Etats-Unis le 31 décembre dernier. Celle qui est utilisée désormais, le MVP-Fx, est moins toxique. Mais elle peut entraîner des irritations cutanées et, en cas d'ingestion, provoquer nausée et vomissements.
Daniel McCurry explique que le Service des forêts a perdu des actions en justice dans le passé sur des cas environnementaux, mais que désormais Phos-Chek est "probablement inoffensif pour l'environnement". "En même temps, l'impact sur la santé humaine n'est pas encore tout à fait clair", concède-t-il.
Au cours de la semaine écoulée, il y a eu des largages sur "une échelle jamais vue", poursuit-il, en ajoutant que le produit est le plus souvent déversé à l'écart des zones habitées, ou en quantités plus faibles. "Mais qui sait?", conclut-il.