Incendie de la rue Myrha : l'accusé met en cause un de ses "amis imaginaires"

Une statue représentant la déesse de la justice tenant le symbole de la balance, à Rennes (illustration) - Loic Venance / AFP
Une statue représentant la déesse de la justice tenant le symbole de la balance, à Rennes (illustration) - Loic Venance / AFP

"Je reconnais les faits. Mais nous n'imaginions pas les conséquences". Dès le premier jour de son procès devant la cour d'assises de Paris, Thibaud Garagnon, 24 ans, a confirmé avoir volontairement mis le feu en septembre 2015 à l'immeuble du 4 de la rue Myrha, dans le quartier parisien de la Goutte d'Or.

"Je ou nous?"

Ce sinistre, l'un des incendies criminels les plus meurtriers de ces dernières années dans la capitale, avait fait huit morts, dont deux enfants âgés de 8 et 14 ans.

Les cheveux bruns attachés en queue de cheval, revêtu d'un t-shirt gris foncé à manches longues avec l'effigie de "Fluttershy", un personnage de la série pour enfants "My Little Pony", l'accusé a fait son entrée dans le box en se déplaçant avec une béquille.

"Nous ne pensions pas tuer des gens", insiste-t-il à l'adresse de la cour et des jurés.

Dans le public, une voix retentit aussitôt. "Arrête de mentir !" La présidente Emmanuelle Bessone interrompt aussitôt le cri intempestif et revient vers Thibaud Garagnon, perplexe. "Vous dites 'je reconnais les faits' puis vous passez au 'Nous'... C'est 'Je' ou 'Nous' ?", interroge-t-elle.

Plusieurs "amis imaginaires"

Le jeune homme, en suivi psychiatrique depuis son incarcération un an après les faits, explique qu'il a mis le feu à l'immeuble sous l'emprise d'un de ses "amis imaginaires", un personnage "très violent" qu'il appelle "Superbia". "Il fait partie de ma personnalité", soutient-il.

Au cours de ses différends interrogatoires, le jeune homme a parlé aux enquêteurs de plusieurs de ces "amis imaginaires" comme "Baby Fox", "Thibaud/Fox", ou "Light", la "douce et timide", à qui il fait appel quand il a besoin de réconfort. "Je ne souhaitais pas la mort des personnes qui sont mortes", répète-t-il devant la cour, "je prie tous les soirs pour les familles et les victimes".

La présidente Bessone ne semble pas totalement convaincue. Pendant l'instruction, rappelle-t-elle, "il n'a pas été toujours question de ces différentes personnalités. Au début, vous n'en parliez jamais".

"Je ne voulais pas parler de mes personnalités car je craignais que ça fasse mauvais effet", répond le jeune homme.

Aucune "abolition ou altération" du discernement

Les experts psychologiques et psychiatriques qui seront appelés à la barre la semaine prochaine ont écarté "toute abolition ou altération du discernement au moment des faits", précise aussitôt la présidente. Autrement dit, Thibaud Garagnon serait bien totalement responsable de ses actes.

Dans son box, l'accusé ne dit rien. En prison, il cultive son côté immature. Outre son t-shirt "My Little Pony", il possède en détention des tétines, des biberons et des peluches.

Après avoir entendu deux enquêteurs, la cour a montré des photos de l'incendie dont celles, atroces, de corps calcinés. A la demande de la présidente, les familles des victimes sont invitées à quitter la salle. Dans son box, Thibaud Garagnon ne cesse d'ôter ses lunettes pour éponger ses yeux avec un mouchoir en papier roulé en boule.

"Il sait très bien ce qu'il a fait"

"C'est dur à regarder", constate la présidente. "Je n'avais jamais vu ces photos", admet l'accusé. "Vous n'aviez jamais demandé à les voir pendant l'instruction ?", insiste l'avocat général, Rémi Crosson du Cormier. "Je n'ai pas pensé", bredouille l'accusé.

Interrogé par la presse en dehors de la cour d'assises, Laurent Thieffry, un des avocats de Thibaud Garagnon, a reconnu "la personnalité complexe" de son client. Il y a "un dédoublement de personnalité avéré ou hypothétique", a avancé Me Thieffry, qui parle aussi "de difficultés psychologiques majeures".

"Il ne souhaitait pas les conséquences de ses agissements. Il n'avait aucune conscience des dangers qu'il faisait courir aux autres", soutient l'avocat.

"Quand j'entends qu'il dit 'nous', ça me choque et ça m'énerve parce que jusqu'à présent, il ne veut pas dire la vérité", s'est agacé Alassane Tandian, un des parents de quatre des huit victimes de l'incendie, interrogé à la sortie de la cour. "Ce n'est pas une personne qui est malade. Il sait très bien ce qu'il fait, ce qu'il dit", estime Alassane Tandian qui était locataire de l'immeuble incendié par Thibaud Garagnon.

Article original publié sur BFMTV.com