Inéligibilité de Marine Le Pen : pourquoi elle pouvait difficilement échapper à ces réquisitions

Marine Le Pen pourrait être empêchée de se présenter à l’élection présidentielle de 2027.
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP Marine Le Pen pourrait être empêchée de se présenter à l’élection présidentielle de 2027.

POLITIQUE - Marine Le Pen peut-elle réellement échapper à la peine d’inéligibilité ? À moins de se soustraire à la loi, et dans le cas où le tribunal retiendrait les réquisitions du parquet, tout indique que la députée du Pas-de-Calais pourrait être empêchée de se présenter à toute élection pendant cinq ans.

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Et ce, de façon automatique, puisque depuis l’adoption de la loi Sapin II en 2016 sur la moralisation et la confiance en la vie politique, un élu condamné pour détournement de fonds public est aussitôt déclaré inéligible. Ce que semblaient avoir oublié Marine Le Pen et ses proches, en arrivant à l’ouverture du procès il y a un mois et demi.

À vingt jours près

La patronne des députés RN pensait pouvoir échapper in extremis à cette mesure adoptée sous François Hollande, puisque les faits qui lui sont reprochés (avoir fait travailler des assistants payés par le Parlement européen pour le Front national devenu Rassemblement national) s’étalent de 2004 à 2016. Sauf que la loi Sapin 2 est entrée en vigueur… le 11 décembre 2016. À vingt jours près, la députée du Pas-de-Calais est donc concernée. Et ne peut donc pas se cacher derrière la non-rétroactivité de la loi. « Vous comprenez bien que dans le cas qui me concerne, une automaticité a évidemment des conséquences extrêmement graves. Cela aurait pour effet de me priver d’être candidate à la présidentielle… Voilà », a-t-elle enragé à la barre du tribunal.

Seule lueur d’espoir pour la fille de Jean-Marie Le Pen : que le tribunal décide finalement, « par une décision spécialement motivée », de ne pas la condamner à une peine d’inéligibilité. Ce qui semble hautement improbable selon plusieurs observateurs, puisque cela reviendrait à créer un cas spécial et alimenterait les procès en justice à deux vitesses. Car, rappelons-le, c’est le législateur (donc les parlementaires) qui a imposé l’automaticité de la peine d’inéligibilité en cas de détournement de fonds publics, laquelle échappe donc au jugement du magistrat.

« Une vengeance »

Il existe aussi une hypothèse où Marine Le Pen décide de faire appel, ce qui aurait pour effet immédiat de suspendre la décision du tribunal, et donc la peine d’inéligibilité. Mais les juges peuvent décider d’assortir la peine d’une « exécution provisoire », ce qui aurait pour conséquence d’appliquer instantanément la condamnation, qu’il y ait appel ou non. Dit autrement, l’appel ne serait pas suspensif. L’inéligibilité ne concernant pas un mandat en cours, Marine Le Pen resterait ainsi députée du Pas-de-Calais, mais ne pourrait pas de nouveau solliciter la confiance des électeurs.

De quoi compromettre sa candidature en 2027 ? Fort probable, au vu des réquisitions. Ce qui a naturellement fait hurler les soutiens de la leader d’extrême droite, qui fustigent une « justice politique », un « acharnement » et même « une vengeance ». Mais certaines voix s’élèvent aussi en dehors du RN. Le maire de Nice Christian Estrosi considère « qu’il est temps que le Parlement se saisisse sérieusement de l’automaticité des peines d’inéligibilité. C’est un principe dangereux, qui ampute le débat démocratique. Je suis un adversaire résolu de Marine Le Pen mais elle doit être défaite dans les urnes, pas dans les prétoires ». Un argument aussi entendu dans la bouche d’Éric Ciotti ou de Gérald Darmanin. Inéligibilité ou pas, le chemin vers 2027 sera forcément long.

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