Sur les impôts, ces trois réalités que soulignent les bisbilles entre Michel Barnier et la Macronie

Ces 3 réalités que souligne la poussée de tension inédite entre Barnier (ici en septembre) et la Macronie
SARAH MEYSSONNIER / AFP Ces 3 réalités que souligne la poussée de tension inédite entre Barnier (ici en septembre) et la Macronie

POLITIQUE - Qui aurait pu prédire ? Le « mur du budget » offre à Michel Barnier ses premiers soubresauts à Matignon avec la coalition censée le soutenir. Pour cause, le parti présidentiel, mené par Gabriel Attal à l’Assemblée, s’inquiète d’une possible hausse d’impôt sur les entreprises ou les plus aisés. Soit la remise en cause d’un dogme en Macronie. Au point que plusieurs ont agité la menace d’un lâchage en rase campagne, signifiant la fin de l’aventure Barnier à Matignon.

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Dans ce contexte, le Premier ministre a annulé en dernière minute un entretien réclamé par son prédécesseur pour qu’il clarifie sa « ligne politique » ce mercredi 18 septembre. Un acte d’autorité entrepris tout en déplorant les « petites phrases » qui ne sont pas à la hauteur du moment, quelques heures après une offensive de Gérald Darmanin dans la matinale de France 2.

Pour résumer, la tension n’a jamais été aussi vive entre les deux parties. De quoi imaginer une rupture profonde ? Ou un jeu politique pour affiner les rapports de force ? Ces premiers rounds de « fiscal combat » soulignent en tout cas plusieurs réalités, notamment sur les marges de manœuvre du nouveau locataire de Matignon.

1 - La situation budgétaire est « très grave »

Dix minutes après avoir annulé son entretien avec Gabriel Attal, ce mercredi, Michel Barnier a fait savoir dans un message à toute la presse que la situation budgétaire qu’il « découvre » est « très grave ». Une manière à peine voilée de rappeler que le gouvernement sortant est le seul responsable de la situation budgétaire dont il hérite. « J’ai demandé tous les éléments pour en apprécier l’exacte réalité. Cette situation mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité », précise-t-il, tant pour répondre aux attaques des macronistes, que pour préparer les esprits au traitement de choc qu’il va présenter dans quelques semaines.

Car de l’avis de tous (ou presque), la situation budgétaire est effectivement périlleuse. Le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici a encore parlé du « budget le plus délicat de la Ve République », ce mercredi, à l’Assemblée, après un nouveau dérapage du déficit « vraiment inquiétant. »

Or, pour la majorité des experts, la situation ne se réglera qu’en baissant les dépenses de l’État, certes, mais aussi en augmentant également les impôts des personnes ou entreprises les plus aisées. Le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau plaide par exemple pour « un effort » fiscal « exceptionnel et raisonnable sur certaines grandes entreprises et gros contribuables », dans la lignée de l’analyse de nombreux économistes.

2 - Barnier n’a pas de programme mais des ridelles

Une situation si étouffante pour le futur (et encore inconnu) locataire de Bercy, qu’elle semble justifier, aux yeux du Premier ministre, la remise en cause du catéchisme macroniste sur la fiscalité. Ceci, même si son entourage évoque « des spéculations » et assure que le débat n’est pas « tranché », après la levée de boucliers de Gabriel Attal et Gérald Darmanin.

Car c’est l’autre point délicat souligné par ces bisbilles. Le Premier ministre n’a pas de programme sur lequel appuyer sa légitimité et rassurer ses partenaires, faute de majorité stable et choisie par les électeurs. Ce que lui reproche désormais le camp présidentiel, en refusant d’acter leur participation au gouvernement avant de connaître le « cap » du capitaine.

Pire, dans sa position précaire, Michel Barnier doit forcément composer avec les priorités et lignes rouges dressées par les partis qui aspirent à entrer au gouvernement - et à ne pas le censurer. Sur le débat fiscal, la hausse des impôts est refusée du côté de Renaissance, des Républicains et du Rassemblement national. De quoi réduire drastiquement les options et marges de manœuvre à Matignon, comme à Bercy. Et ce, rappelons-le, alors que les finances publiques sont dans le rouge.

3 - La Macronie ne veut rien lâcher

Dans ce contexte, la Macronie ambitionne clairement de rester au centre du jeu. Sans le soutien des 100 députés du groupe présidé par Gabriel Attal, la majorité relative et supposée de Michel Barnier se réduit à peau de chagrin. Et pas question, pour les soutiens d’Emmanuel Macron, de remettre fondamentalement en cause sa politique.

Sur la question fiscale, le chef de l’État et Bruno Le Maire ont mis un point d’honneur à stabiliser ou baisser les impôts depuis sept ans, même pour les plus aisés, au nom de la politique de l’offre et de la théorie du ruissellement. « Il ne faut absolument pas casser cette machine économique », a encore fait valoir Gérald Darmanin, ce mercredi, sur France 2, en soulignant la « baisse du chômage » et l’« attractivité de la France ». Difficile de lâcher les rênes.

En ce sens, la composition du gouvernement est l’autre point de crispation au sein des macronistes. Ceux-ci craignent d’être relégués à des postes de ministres délégués ou de secrétaires d’État sous tutelle de ministres LR, la droite ne cachant pas son appétit (Intérieur, Justice, Bercy, Éducation, Agriculture…). L’offensive contre la piste fiscale évoquée par Matignon est donc aussi à lire à l’aune d’un rapport de force s’installant en vue du futur casting gouvernemental. Le bras de fer ne fait que commencer.

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